Le Premier ministre a fait une étape d'une journée sur le Caillou au retour d'un déplacement au Vietnam, le temps de saluer le "véritable succès démocratique et populaire" du référendum, auquel ont participé plus de 8 inscrits sur 10.
Au-delà des questions institutionnelles, M. Philippe a insisté sur "les enjeux économiques et sociaux" du territoire, "parfois placés au second plan", alors que les accords de Matignon et de Nouméa, signés en 1988 et 1998, contiennent l'ambition d'un rééquilibrage de la richesse.
La Nouvelle-Calédonie, territoire stratégique aux importantes réserves de nickel, a choisi dimanche de rester dans le giron français avec 56,7% des voix lors d'un scrutin historique, selon des chiffres légèrement révisés à la hausse lundi par la commission de contrôle. Mais avec 43,3% des voix, les indépendantistes, que les sondages donnaient largement perdants, ont modifié en leur faveur le rapport de force.
Le référendum était l'aboutissement du travail de réconciliation entre les Kanak et les Caldoches, entamé avec les accords de Matignon de 1988. Ces accords avaient été signés après les violences des années 1980, qui avaient culminé avec la prise d'otages et l'assaut de la grotte d'Ouvéa en mai 1988 (25 morts).
Lundi, Edouard Philippe s'est entretenu avec chacun des groupes siégeant au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, avant de se rendre dans la province nord pour échanger avec deux figures du FLNKS, Paul Néaoutyine, président de la collectivité, et Daniel Goa, président de l'Union Calédonienne.
Le Premier ministre, qui veut poursuivre le dialogue engagé depuis 30 ans après la quasi guerre civile des années 80 entre indépendantistes kanak et droite loyaliste, avait déjà salué, lors d'un échange avec des étudiants calédoniens, la participation "absolument considérable" et le déroulement d'un référendum qui, selon lui, "s'est plutôt bien passé", en dépit de quelques incidents à Nouméa et à Saint-Louis, tribu aux portes de la ville.
Dimanche, le président Emmanuel Macron avait dit son "immense fierté que nous ayons passé ensemble cette étape historique" et que "la majorité des Calédoniens ait choisi la France". Il n'y a désormais "pas d'autre chemin que celui du dialogue", avait-il souligné.
Inégalités
Sur la place des Cocotiers à Nouméa lundi, Philippe, Kanak de 53 ans, partisan de l'indépendance, se disait "très heureux" d'un scrutin qui "a démenti tous les sondages". "Je n'en espérais pas tant, l'idée d'indépendance est en train de mûrir".
Patricia, retraitée et "calédonienne depuis plusieurs générations" n'est "pas surprise" du bon score des indépendantistes. "A force de ne pas vouloir partager, cela va péter à la figure des non indépendantistes", prédit-elle, dénonçant "les inégalités sociales criantes" qui frappent les Kanak.
Forts de leur score, les partisans d'une rupture avec la métropole ont dès dimanche soir réaffirmé leur volonté de demander l'organisation de deux autres référendums dans les quatre ans, comme l'accord de Nouméa (1998) en prévoit la possibilité.
"Nous ne sommes pas au crépuscule de notre revendication, au contraire", a souligné Roch Wamytan, chef du groupe UC-FLNKS et nationalistes au Congrès.
Pour Louis Mapou, chef du groupe UNI-FLNKS au Congrès, "il faut redéfinir complètement les relations avec la métropole. Si on doit discuter de quelque chose ce sera forcément de la souveraineté".
Selon Pierre-Christophe Pantz, docteur en géopolitique, ce résultat "va forcer les non-indépendantistes à revoir leur copie".
Multiplication des pains
Philippe Gomès, leader du parti non indépendantiste Calédonie Ensemble (droite modérée) note qu'"il y a 18.000 voix d'écart quand même, donc un référendum en 2020, c'est pas non plus la multiplication des pains".
Les trois partis loyalistes, très divisés, avaient mis en avant la protection qu'apporte la France et son 1,3 milliard d'euros d'aides annuelles, espérant qu'une large victoire éloigne la perspective de nouveaux référendums.
Selon Sonia Backès, présidente du groupe Les Républicains calédoniens au Congrès, ces nouveaux scrutins vont apporter "quatre ans d'instabilité". Elle a lancé un appel à l'union des loyalistes.
"Les Calédoniens ont choisi. La Nouvelle-Calédonie est française et restera française", a insisté Pierre Frogier, sénateur du Rassemblement LR.
Interrogé sur France Ô, le Premier ministre n'a pas voulu se prononcer sur la tenue d'un deuxième référendum dans deux ans.
"Nous sommes tenus par ces accords (de 1988 et 1998) et nous ne voulons pas en sortir, a prudemment expliqué Édouard Philippe. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne faudrait pas tenir compte des résultats électoraux et notamment du référendum qui a eu lieu hier. Il faut donc que nous parlions avec les forces politiques pour savoir comment elles envisagent la suite."
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