Dans les bacs vendredi, que les fans se rassurent, le nouveau Bruel contient bien du Patrick. Ces chansons bien à lui, où il est question d'amour, d'amitié, de partage, de révoltes aussi, qui font son succès depuis bientôt trente ans. Mais c'est lorsqu'il montre un visage inédit et qu'il s'aventure ailleurs musicalement qu'il parvient à faire dresser l'oreille.
Sont-ce les six années séparant cet opus du précédent "Lequel de nous" qui lui ont permis de prendre le temps de se renouveler, pour "tout recommencer" comme il le chante en ouverture ? "Je ne crois pas. Il y a eu entre les deux le projet Barbara qui a été une parenthèse très importante", rectifie-t-il à l'AFP.
"Très souvent je pense à vous...", son album de reprises de la "Dame en noir" sorti en 2015 a donc son importance, car se consacrer à une de ses trois idoles en B majuscule (avec Brel et Brassens) a poussé Bruel à envisager la suite sous le signe d'une relative audace.
"Il y a un avant et un après ce disque. Ça m'a conduit à tenter de nouvelles approches sonores, comme Barbara avait cherché un son pop-rock sur +La louve+ en 1973. Moi j'ai voulu mettre encore plus d'urbain dans mes chansons, de la trap, de l'électro... Et ça m'a donné envie de m'ouvrir à d'autres univers comme celui de Pierre Lapointe", éclaire-t-il.
L'esthète québécois, auteur du brillant "La science du cœur" l'an passé, a écrit les deux plus beaux titres de l'album: "L'amour est un fantôme", pour lequel "il a décelé des choses chez moi très intimes sans que nous nous soyons beaucoup parlés", s'étonne-t-il encore, et "Arrête de sourire".
- "A quoi sert-il l'artiste ? -
Cette deuxième chanson met à mal la star Bruel, avec des mots crus qu'on n'a pas l'habitude de l'entendre chanter: "Arrête de sourire/Quand tu souris on voit à quel point t'es con/A quel point tu crois que l'humain est bon".
"Il y a là un cynisme qui ne me ressemble pas, convient-il. Je me suis demandé +pourquoi il pense à moi comme ça? Pourrais-je dire ça à quelqu'un?+ On peut plus me le dire à moi. Je suis plus le personnage à qui la chanson s'adresse, celui qui veut voir la vie plus belle qu'elle n'est. Si je n'avais pas pu endosser le costume, je ne l'aurais pas chantée."
Dans "Ce soir on sort", éponyme de l'album, Bruel enjoint à vivre plus fort que la peur malgré les attentats qui ont frappé la France en 2015. Un élan ponctué par l'air en sourdine de La Marseillaise.
On retrouve ici le chanteur du "nous", celui qui rend hommage "à tous ces gens qui font tant et qu'on ne voit pas" dans "Héros", celui qui pose aussi la question qui fâche quand pourtant tout va bien, à savoir "Qu'est-ce qu'on fait ?" écrite en pleine euphorie d'une deuxième Coupe du monde remportée cet été par l'équipe de France de foot.
"Je me suis dit +on fait pareil qu'il y a vingt ans ?+ On a cru à la France +black-blanc-beur+, à cette promesse formidable. Tout ça pour avoir quatre ans plus tard Le Pen au 2e tour de la présidentielle. Je ne peux pas prévoir l'avenir, mais j'y vois notre incapacité à comprendre et transformer les choses."
A 59 ans, Patrick Bruel, qui sera en tournée toute l'année prochaine, se veut néanmoins lucide sur la parole de l'artiste: "à quoi sert-il ? Je ne sais pas. Est-ce qu'une chanson peut faire réfléchir, avancer les choses ? Je ne sais pas. Ça peut être très utopique et se résumer à un coup d'épée dans l'eau. Mais je suis déterminé à la chanter".
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