Près de 175.000 électeurs de cet archipel français depuis 1853 et disposant d'importantes réserves de nickel devront dire s'ils veulent "que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante".
Dans Nouméa et ses alentours, qui concentrent les deux tiers de la population, l'imminence de l'échéance électorale, scrutée de près 18.000 km plus loin à Paris, est dans l'ensemble peu visible.
A quelques heures du scrutin, dont le résultat devrait être connu dimanche soir (lundi matin en métropole), quelques partisans de l'indépendance ont cependant donné de la voix vendredi le long des plages, à bord d'une vingtaine de voitures et agitant le drapeau kanak aux cris de "Kanaky".
A la sortie de la ville, le long de la route menant vers le Nord, le drapeau kanak a également fleuri. Sur un pont, une vingtaine de Kanak étaient rassemblés avec drapeaux corse et kanak, salués par des klaxons.
Dans le camp non indépendantiste, le drapeau français est quasi inexistant, même si vendredi, au moins un automobiliste le brandissait à Nouméa. Des "non" tricolores ont été dessinés à la craie sur la route vers le Nord.
Les sondages prédisent la victoire du non dans une fourchette de 63 à 75%. Les Kanak, dont la tendance radicale a appelé à boycotter le scrutin, représentent moins de 50% de l'électorat. Et tous ne sont pas indépendantistes. A Ouvéa, Marc Gnipate, un retraité de 62 ans, se dit "pas certain qu'on ait tous les atouts pour se gérer". A Nouméa, Marceline Bolo, femme au foyer, estime qu'"on a tout avec la France: les écoles, les hôpitaux..."
Trois partis défendent le maintien dans la France, Calédonie ensemble (droite modérée), le Rassemblement LR et les Républicains calédoniens. Ils mettent en avant la protection de la France, le passeport européen, le système éducatif ou encore les 1,3 milliard d'euros d'aides annuelles de la France.
Dignité
En face, les deux courants du FLNKS (Union calédonienne et Union nationale pour l'indépendance) appellent au changement, à plus de justice et d'égalité, et font de la reconnaissance de leur peuple une question de dignité vis-à-vis d'un passé colonial traumatisant.
Le référendum marque l'aboutissement d'un processus de décolonisation entamé en 1988 après plusieurs années de quasi guerre civile entre Kanak et Caldoches. Ces affrontements avaient culminé avec la prise d'otages et l'assaut de la grotte d'Ouvéa en mai 1988 (25 morts au total).
Les accords de Matignon, signés en 1988 par l'indépendantiste kanak Jean-Marie Tjibaou et le loyaliste Jacques Lafleur, consolidés dix ans plus tard par l'accord de Nouméa, ont institué notamment un rééquilibrage économique et géographique en faveur des Kanak et un partage du pouvoir politique.
Mais les inégalités sociales restent criantes. "A Nouméa, les gens ont un salaire, en tribu la plupart des gens n'ont aucun salaire, aucun revenu monétaire", note Elie Poigoune, président de la Ligue des droits de l'homme.
Echec scolaire, chômage élevé, habitat précaire, une partie des Kanak continuent de cumuler les difficultés, et certains jeunes ont sombré dans une délinquance de plus en plus visible.
Dans les deux camps, nombreux craignent que cette jeunesse désemparée ne manifeste violemment sa déception si le non l'emportait. Le Comité des sages, créé pour veiller à la sérénité du scrutin, a appelé "à respecter le choix exprimé" et les états-majors politiques ont recommandé la discrétion à leurs militants dimanche soir.
Deux-cent-cinquante "délégués" (magistrats, fonctionnaires de préfecture ou universitaires) et des observateurs de l'ONU seront déployés dans les bureaux de vote.
Selon l'accord de Nouméa, en cas de victoire du non, deux autres référendums sont possibles dans les quatre ans. De nombreux Kanak se projettent déjà dans cette perspective. Certains loyalistes espèrent au contraire que le référendum de dimanche sera le dernier.
Un sujet qui sera certainement évoqué par le Premier ministre, Edouard Philippe, attendu lundi sur le Caillou pour "rencontrer l'ensemble des forces politiques" et "discuter" de l'avenir du territoire.
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