Ehsan va bientôt souffler sa deuxième bougie en France. Cet Afghan de 27 ans a fui la misère de son pays. Il est arrivé à Caen (Calvados) il y a un an, après un passage par la "jungle" de Calais. À l'approche de l'hiver, il espère toujours obtenir l'asile. En attendant, il a posé ses quelques affaires dans le squat du Marais, derrière la Gare de Caen.
Ehsan, 27 ans, rêve d'obtenir l'asile en France. En attendant, il vit ici, au squat du Marais. - Simon Abraham
Ce lieu de vie est un ancien centre d'EDF. L'un des plus vastes squats de France. 32 000 m², où vivent près de 200 personnes, d'une quinzaine de nationalités différentes. Parmi elles, beaucoup de familles et d'enfants. Le squat a été ouvert en avril 2018. Deux mois plus tard, la justice en a ordonné l'expulsion, avec un délai d'un an. Tous les exilés vont passer la trêve hivernale ici. Mais le prochain printemps risque d'être mouvementé.
Neuf squats évacués cette année
Le marais est sur la liste des squats à expulser à Caen. Tous comme l'étaient neuf autres, vidés depuis le mois d'avril. Le dernier en date il y a quelques jours, le 24 octobre, dans le quartier de la Guérinière. Une évacuation particulièrement tendue, avec la présence d'une dizaine de camions de CRS. Face à des manifestants qui sont montés sur les toits, pour protester contre l'expulsion.
En 2018, 239 personnes ont été expulsées de neuf squats à Caen. Une hausse de 50 % par rapport à l'an passé. 2015 et 2016 n'avaient, eux, connu aucune expulsion. Il ne reste aujourd'hui plus que quatre squats dans l'agglomération caennaise.
"Nous menons une politique très déterminée contre les squats cette année. Il n'y a aucune gloire à en ouvrir", exprime Laurent Fiscus, préfet du Calvados. "Des associations proclament qu'elles mettent les gens à l'abri, alors qu'en réalité, elles les mettent en danger", ajoute-t-il, pointant du doigt notamment l'AG de lutte contre toutes les expulsions. Ce collectif rassemble, à Caen, cinquante membres et près de 500 sympathisants.
Ils récoltent des dons pour les exilés, les aident dans leurs démarches administratives et leur installation dans les squats. Un accompagnement "humanitaire avant-tout", exprime Luc, membre du collectif. "Est-ce que la rue est plus saine qu'un squat ? Non. Nous ne les mettons pas en danger, nous les protégeons", répond-il à l'État.
L'hébergement d'urgence, un budget de 20 millions d'euros
L'occupation d'une propriété privée, bien que désertée, est illégale en France. Face à l'arrivée de nombreux exilés à Caen, l'État a décidé d'augmenter le nombre de places dans les hébergements d'urgence. Cet hiver, il y en aura 2 700 dans l'agglomération, contre 2 000 en 2016. Un investissement total de 20 millions d'euros.
Laurent Fiscus, préfet du Calvados applique une politique stricte contre les squats. - Simon Abraham
"Ils seront plus en sécurité dans les hébergements d'urgence que dans des squats aux branchements sauvages qui peuvent provoquer des incendies", lance Laurent Fiscus."Il y a de l'hygiène dans les squats, pas comme dans la rue. Des électriciens interviennent, tout est dans les normes", répond Jonathan, qui côtoie les exilés au Marais. Selon lui, les 2 700 places en hébergement d'urgence sont insuffisantes. "Et puis l'État va loger les familles, mais laisser de côté les hommes seuls. Une famille à la rue ça choque, pas un homme solitaire. On déshabille Paul pour habiller Jacques", ajoute-t-il.
Les derniers squats caennais sont en sursis, face au durcissement de la politique de l'État. Deux camps se font face. Avec deux points de vue diamétralement opposés.
L'évacuation du squat du Marais mobilisera, sans doute, plusieurs centaines de forces de l'ordre. - Simon Abraham
Les 200 habitants du squat du Marais seront bientôt expulsés. Reste à savoir précisément quand. Pas avant le printemps prochain en tout cas. "On s'attend à voir venir au moins 300 policiers. Ça va être un bazar monstre, même si, pour le moment, les expulsions se sont toujours bien passées", lance Jonathan.
Certains exilés seront transférés dans des centres d'hébergement de demandeurs d'asile. D'autres, en situation irrégulière, se verront présenter le dispositif d'aide au retour volontaire dans leur pays. Comme ce fut le cas pour les précédentes expulsions.
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