Après le scrutin du 7 octobre qui a vu Bolsonaro frôler une élection dès le premier tour (46% des suffrages), 147 millions d'électeurs reprennent le chemin des bureaux de vote dans le plus grand pays d'Amérique latine.
Les bureaux ont ouvert à 08H00 (11H00 GMT), les derniers fermeront à 19H00 (22H00 GMT) et les résultats sont attendus environ une heure après. Jair Bolsonaro a voté à Rio en passant par une porte latérale du bureau de vote pour éviter la foule.
"Je suis venue très tôt, et c'est important parce que chaque voix compte", a déclaré à l'AFP Maria do Socorro, une retraitée de 74 ans, devant son bureau de vote de Copacabana, à Rio de Janeiro. "Cette campagne a été différente, on n'a quasiment pas entendu les propositions des candidats".
Très polarisée, la dure campagne de l'entre-deux tours a en effet été alimentée par des discours de haine mais aucun débat.
Les deux derniers sondages samedi soir ont crédité Jair Bolsonaro, du Parti social libéral (PSL), de 54 et 55 % des intentions de vote et Fernando Haddad, du Parti des travailleurs (PT) de l'ex-président Lula, de 46 et 45%.
Ainsi, l'écart entre les deux prétendants à la succession du conservateur Michel Temer, pour un mandat de quatre ans, est passé de 18 points à la mi-octobre à 8 à 10 points à la veille du scrutin, permettant à la gauche d'y croire encore.
"Je continue de penser que Bolsonaro est favori", estime Gaspard Estrada, spécialiste de l'Amérique latine à Sciences Po, mais "dans l'histoire électorale du Brésil il n'est pas du tout exclu qu'il y ait des mouvements forts dans les dernières 24 heures".
Carrière insignifiante
Marcos Kotait, un publicitaire de 40 ans, a été parmi les premiers à voter à Sao Paulo. "Jamais je n'ai vu une élection aussi polarisée", dit-il, "les dernières fois on votait par choix, et non contre quelque chose".
A Rio, Elias Chaim, un étudiant en ingénierie de 23 ans, est arrivé plein de doutes dans son bureau de vote de Copacabana.
"Vraiment, je n'aime aucun des candidats. Au 1er tour j'ai voté nul, mais aujourd'hui je vote Haddad parce que le discours de haine et d'intolérance de Bolsonaro représente un risque pour notre pays", dit-il au sujet du candidat qui a fait l'éloge de la dictature et de ses tortionnaires.
Dans un pays miné par une violence record, le marasme économique, une corruption endémique et une crise de confiance aiguë dans la classe politique, Jair Bolsonaro a réussi à s'imposer comme l'homme à poigne dont le Brésil a besoin.
Catholique défenseur de la famille traditionnelle, il a reçu le soutien crucial des puissantes églises évangéliques et a indigné, par ses déclarations outrancières, une bonne partie des Noirs, des femmes et des membres de la communauté LGBT.
A Brasilia, Luisa Rodrigues Santana, étudiante en audiovisuel, vient de voter pour Haddad car "si Bolsonaro est élu, cela va libérer toute cette haine accumulée chez tout le monde".
"En tant que femme noire, de la communauté LGBT, j'ai peur", dit-elle.
Alberto Goldman, ex-gouverneur de centre droit de Sao Paulo, estime que les institutions seraient assez fortes pour empêcher toute dérive si Bolsonaro arrivait au pouvoir, alors que 50% des Brésiliens évoquent un risque de retour de la dictature militaire (1964-85).
"Mais je ne suis pas prêt à payer pour en avoir la preuve" a ajouté M. Goldman, annonçant qu'il allait voter pour Haddad.
Pour Marcio Coimbra, de l'Université presbytérienne Mackenzie, le Brésil a des garde-fous solides avec "un parquet fort, une Cour suprême forte et un Congrès qui fonctionne".
"Lutter contre le fascisme"
Bolsonaro, qui est en passe de priver le PT d'une 5e victoire d'affilée à une présidentielle, a capitalisé sur l'exaspération des Brésiliens en jouant sur le registre du "tous pourris" et un virulent sentiment anti-pétiste.
Interrogée dans son bureau de vote à Sao Paulo, Ana Lucia Gercici, une femme d'affaires de 51 ans, affirme ainsi : "Si Haddad gagne, je pars en novembre vivre en Italie car "très vite les gens vont être empêchés de partir du pays et ca deviendra Cuba".
Fernando Haddad, 55 ans, a promis de "lutter contre le fascisme jusqu'au bout", quand Lula, du fond de sa prison, appelait à l'union des démocrates contre "une aventure fasciste" au Brésil.
Haddad, ancien maire de Sao Paulo, veut "rendre le Brésil heureux de nouveau" comme sous les mandats de Lula dans les années de croissance (2003-2010), mais il n'a pas fait l'autocritique du PT, jugé responsable par beaucoup des plaies actuelles du pays.
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