Comme la fillette de sept ans, de nombreux écoliers des territoires semi-autonomes kurdes sont inscrits dans des établissements des secteurs gouvernementaux, et traversent quotidiennement les barrages de sécurité pour passer d'une zone à l'autre.
Pour les parents, il s'agit de s'assurer que leurs enfants obtiennent un diplôme reconnu par les universités syriennes et étrangères, plutôt que de leur faire suivre le cursus scolaire alternatif introduit en 2016 par les autorités kurdes.
Car ce nouveau programme scolaire est uniquement reconnu par les institutions de la minorité kurde, longtemps marginalisée par le pouvoir central de Damas, et qui a profité du conflit déclenché en 2011 pour grignoter une autonomie de facto.
"C'est une grande responsabilité et une dépense supplémentaire", affirme le père de Racha, évoquant le trajet quotidien vers la nouvelle école.
Pour faire face à l'afflux des enfants qui parcourent parfois des dizaines de kilomètres depuis les villes et localités environnantes, les établissements gouvernementaux ont dû adopter deux plages horaires quotidiennes différentes.
"De nombreuses activités comme la musique, le dessin mais aussi les récréations ont été annulées en raison du grand nombre d'élèves", raconte le père de Racha.
"Les deux camps (les Kurdes et le régime, ndlr) doivent trouver une solution pour ne pas laisser nos enfants face à un avenir incertain", clame-t-il.
"Où aller?"
Les Kurdes dominent le nord-est syrien, un territoire représentant près de 30% de la superficie du pays. Au fil des ans, ils ont mis en place une administration dotée de ses propres propres services publics et forces de sécurité.
Leur nouveau programme scolaire vise à ressusciter les langues, l'histoire et l'identité des minorités kurde, mais aussi syriaque. Une douzaine d'écoles qui ont refusé l'initiative ont été contraintes à la fermeture cette année.
Le cursus alternatif a été adopté dans plus de 2.200 établissements, accueillant au total 210.000 élèves, selon une responsable de l'éducation au sein de l'administration semi-autonome, Samira Haj Ali.
Les diplômes décernés par ces écoles ne sont toutefois reconnus que par l'Université de Kobané et l'Université du Rojava, ouvertes toutes les deux en 2016.
Pour les parents et les élèves, c'est là que le bât blesse.
"Nous ne sommes pas contre l'enseignement en kurde, nous le voulons pour nos enfants", assure Ezzedine Amine, un chauffeur de taxi de Qamichli. Ses enfants fréquentent pourtant une école du gouvernement syrien.
"Les diplômes délivrés par l'administration autonome ne sont reconnus nulle part ailleurs", justifie ce père de 39 ans. "Où pourraient aller mes enfants avec ce diplôme?", s'interroge-t-il, en attendant la sortie des classes.
Des fillettes vêtues de rose et des garçons en bleu rentrent chez eux. Les plus jeunes se tiennent par la main, parfois portant un sac à dos surdimensionné.
Ecoles surchargées
Dans les enclaves gouvernementales du nord-est, 400 établissements scolaires gérés par Damas accueillent environ 101.000 écoliers, selon des statistiques officielles du régime datant de 2017.
Et les enseignants se plaignent de salles surchargées.
"Il n'y a plus de pupitres pour asseoir les écoliers", déplore Fatima Khalil Assaad.
Le cursus du régime est principalement enseigné à Qamichli et Hassaké, précise l'institutrice de 45 ans.
Mais "les élèves viennent d'autres villes, comme Amouda, Derbassiyé et Ras al-Aïn", distantes de 30 à 115 kilomètres des deux grands centres urbains, précise-t-elle.
A Hassaké, camionnettes et minibus brinquebalants chargés d'élèves traversent quotidiennement les barrières de ciment peintes aux couleurs du drapeau syrien qui séparent la zone gouvernementale des quartiers kurdes.
"Les écoles ne peuvent pas accueillir plus de 200 élèves, mais à l'heure actuelle, ils sont plus de 1.000 inscrits" dans certains établissements, explique la directrice d'une école publique. Selon elle, plus de 85 élèves s'entassent parfois dans des salles prévues pour en accueillir moins de la moitié.
Pour tenter d'endiguer la tendance, les autorités kurdes ont récemment interdit aux chauffeurs de taxi et de bus d'utiliser leurs véhicules pour le transport scolaire. Mais certains contournent cette décision, non sans créativité.
"Parfois, je dépose les élèves avant un barrage de contrôle, les laisse marcher, puis les récupère après la traversée", raconte Abou Abdallah.
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