"A 5 ans, je ne jouais pas à la poupée mais avec des armes", lance Chantal Giudice, dans un large sourire. Son grand frère collectionneur d'uniformes militaires lui avait inoculé le virus... elle l'a ensuite transmis à son mari Serge.
Depuis plus de vingt ans, Chantal, 56 ans, et Serge Giudice, 66 ans, consacrent tous leurs loisirs, weekends et vacances, à traquer des objets issus de "(l')artisanat des tranchées" : "Des objets souvent confectionnés à partir des douilles d'obus", explique Serge.
"Dès que l'on s'est connu, en 1993, on a fait les brocantes, les vides greniers, les bourses aux armes et, en 1999, on a eu de la place. C'est là que ça a pris de l'ampleur", souligne Chantal.
Devant l'une de ses vitrines, remplie de briquets en laiton rutilant, Serge aujourd'hui retraité après une carrière de directeur financier, retrace l'origine de l'artisanat des poilus. "Coincés dans les tranchées par une guerre de position, les soldats se sont mis à façonner des objets pour tuer le temps."
Leur petit pavillon de Balma, s'est au fil des ans transformé en musée avec cinq, puis dix et aujourd'hui plus d'une vingtaine de vitrines qui couvrent les murs du salon et d'une petite pièce attenante qu'ils appellent "le musée".
Le domicile familial est devenu un mausolée de la "Grande Guerre" fort de plus de 5.000 objets.
Outre les obus en métal repoussé et tout l'artisanat des tranchées, certaines vitrines présentent des faïences, assiettes ou plats à l'effigie des principaux chefs de guerre, ou encore des casques à pointe allemands.
De petits meubles sont pleins à craquer de la presse de l'époque et d'affiches originales. Quelques uniformes sont présentés sur d'impressionnants mannequins près du canapé du salon.
"Ca raconte toujours une histoire"
"Ils fabriquaient des vases dans des obus de 75, des briquets, des tabatières, des encriers, des coupe-papiers, des bagues...", dit Serge exhibant une bague décorée d'incrustations de divers matériaux de récupération.
"Ils utilisaient des débris récoltés dans les ruines des villages traversés, par exemple des vitraux d'églises". "Avec ces souvenirs du front, ils envoyaient des messages à leur famille, aux mères, aux sœurs, aux épouses, aux fiancées".
"Ce qui nous plait, c'est que ça raconte toujours une histoire", disent en cœur Chantal et Serge. Serge montre un obus portant un portrait de femme délicatement gravé dans le laiton, avec un message calligraphié: "Chère marguerite, souvenir de celui qui n'aime que toi".
Puis, le collectionneur brandit une reproduction de phare miniature sur lequel on peut lire le nom du Soldat : "Albert Lauwyck, 1er bataillon du génie, 2e compagnie". "Il a inséré une pendule, on peut penser qu'il l'a récupérée dans une maison..."
"Certains poilus étaient orfèvres dans le civil. Ils faisaient de véritables œuvres d'art".
"Nos recherches nous portent vers ces objets avec une histoire, et on essaie de les mettre en concordance avec d'autres objets." Sur une carte postale jaunie, il montre le château dont le nom a été gravé au dos du petit livre-briquet.
"Comme si on allait voir la famille"
Pour Chantal, cette quête d'objets est "magique" comme une chasse au trésor.
L'une de leurs pièces favorites est un petit avion biplan modelé dans un morceau d'aluminium et réalisé à partir d'un Zeppelin allemand abattu au premier jour de la bataille de Verdun.
Ce n'est pas qu'une simple collection, affirme Chantal, c'est une passion vivante qui les anime au quotidien. "C'est pour ça qu'on a choisi de vivre au milieu", dit-elle.
"Le 11 novembre, j'allume des bougies, et parfois on se fait faire un bouquet bleu blanc rouge". Serge ajoute: "Ensuite on va au monument aux morts de Montastruc (la Conseillère, près de Toulouse). C'est comme si on allait voir la famille, c'est pour dire qu'on ne les oublie pas".
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