"On a (...) besoin déjà de mettre un petit peu de rationalité et d'aller au fond du dossier", a déclaré jeudi soir sur France Info la secrétaire d'État à l'Économie, Agnès Pannier-Runacher.
L'aciérie de Saint-Saulve (Nord), qui compte 281 employés, est menacée de disparition depuis la liquidation judiciaire en février de son principal actionnaire, Ascq Industries, et s'est vue accorder cette semaine un sursis de deux semaines par la justice.
Le groupe Altifort, basé dans la Somme, a fait une "offre ferme" de reprise, s'engageant à maintenir l'ensemble des emplois et en créer de nouveau, mais il demande au sidérurgiste français Vallourec, principal client désormais premier actionnaire, de maintenir pendant un an et demi son niveau actuel de commandes.
Or, Vallourec, spécialiste des tubes en acier sans soudures et dont l'État est actionnaire à 17%, a refusé en début de semaine cette demande, la jugeant "contraire à la préservation (de ses) intérêts" et suscitant la colère des syndicats et des élus locaux.
"Demain, je recevrai l'ensemble des acteurs", a annoncé Mme Pannier-Runacher. "On va prendre point par point ce dossier de reprise, (...) voir si Altifort peut aller jusqu'au bout du projet."
Dans ce contexte, la secrétaire d'État a annoncé que le gouvernement allait demander au cabinet Roland Berger d'effectuer une évaluation de la situation économique du site, promettant de lui faire "rebalayer" tout le dossier.
Selon une source proche du dossier, cette décision vise à donner au gouvernement un autre point de vue que les études présentées par les syndicats, dressant le portrait d'un site en bonne santé et crédibilisant donc le projet d'Altifort.
De leur côté, les syndicats ont jugé l'initiative du gouvernement bien trop tardive "à quelques jours de la mort d'un site", selon les mots de Bruno Kopczynski, porte-parole de l'intersyndicale, pour qui "le gouvernement réagit dans la panique".
"un projet vivant, qui gagne"
Mme Pannier-Runacher a plutôt mis l'accent sur la responsabilité d'Altifort, soulignant le peu de marge de manœuvre de Vallourec alors que les comptes de ce dernier sont dans le rouge (avec une perte nette de 307 millions d'euros sur le premier semestre pour un chiffre d'affaires de 1,09 md).
"On concentre la pression sur Vallourec alors que le sujet de reprise d'Altifort concerne la pérennité de l'activité", a-t-elle prévenu.
"Altifort aujourd'hui met 10 millions d'euros sur la table, demande 150 millions de financements pour l'ensemble du projet: c'est (...) ambitieux", a-t-elle prévenu.
La secrétaire d'État a réitéré son appel à être "responsable", formulé dans l'après-midi devant le Sénat, et a déclaré, dans la lignée de son ministre de tutelle Bruno Le Maire, que tout soutien de l'État ne se ferait qu'à condition de recueillir des financements équivalents de la part d'acteurs privés.
"Il ne suffit pas de signer un chèque d'argent public pour qu'une usine fonctionne", a-t-elle déclaré. "Derrière, il faut que l'aciérie soit un projet qui soit vivant, qui gagne."
La secrétaire d'État s'exprimait alors que divers membres de l'opposition appelaient à un soutien public, dans une plus ou moindre mesure à gauche comme à droite.
A l'extrême-droite, Marine Le Pen, chef du Rassemblement national (RN), a appelé à "recapitaliser" l'aciérie, tandis qu'à gauche de la gauche, le député insoumis Ugo Bernalicis a estimé que l'État "peut nationaliser", citant l'exemple des chantiers STX de Saint Nazaire. A droite, sans souhaiter une nationalisation, le sénateur républicain Bruno Retailleau, a jugé que l'État devait "tout faire pour éviter la fermeture".
Le président du conseil régional des Hauts-de-France, Xavier Bertrand (divers droite), qui fait depuis des semaines du sujet un cheval de bataille, a réitéré sa confiance dans l'offre d'Altifort, s'inquiétant au passage de la santé de Vallourec. "Avec toute cette façon que Vallourec a eu de torpiller le projet, il y a quelque chose derrière tout ça", a-t-il estimé auprès de l'AFP.
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