"Le décret du 8 avril 2017 portant abrogation de l'autorisation d'exploiter la centrale nucléaire de Fessenheim est annulé", écrit la haute juridiction administrative dans une décision dont l'AFP a obtenu copie.
Et ce car "l'abrogation d'une autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité ne peut intervenir que sur demande de son titulaire", c'est-à-dire EDF, explique-t-elle.
Le gouvernement n'avait en effet pas attendu la demande formelle de la part d'EDF pour publier son décret. Cette demande ne sera faite que "dans les six mois précédant" la mise en service de l'EPR de Flamanville (Manche), avait alors précisé l'électricien.
A l'audience au Conseil d'État, le 12 octobre, le rapporteur public s'est prononcé pour l'annulation du décret, jugeant que "le vice juridique" lui "semblait trop grave pour passer outre".
"Cette proposition n'a rien à voir avec le bien-fondé" de la fermeture de la centrale nucléaire, s'est-il cependant empressé de préciser. "Il ne s'agit pas de dire qu'on ne peut pas fermer Fessenheim", a-t-il dit.
Le décret, publié alors que Ségolène Royal était ministre de l'Environnement et de l'Énergie, juste avant l'élection présidentielle de 2017, était attaqué par des collectivités locales, parmi lesquelles la commune de Fessenheim, ainsi que par les syndicats CFE-CGC Énergies et FO Énergies et mines.
Après cette annulation, le gouvernement devra donc prendre un nouveau décret pour la fermeture de la centrale.
"La fermeture est enclenchée de façon irréversible et se poursuivra pour aboutir d'ici 2022" et "un nouveau décret sera pris en temps utiles", a réagi sur Twitter le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy.
"Pas de prolongation"
Agacé par les retards de Flamanville, le gouvernement souhaite aussi désormais séparer le sort du Fessenheim du démarrage de l'EPR. "Aujourd'hui on est obligés d'envisager de ne pas faire les deux opérations en même temps", avait indiqué François de Rugy début octobre.
"EDF n'est pas capable de nous donner une date, et l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) non plus, sur l'ouverture de Flamanville", avait-il alors regretté.
En réalité, EDF prévoit officiellement de démarrer l'EPR de Flamanville fin 2019, pour une mise en service commerciale en 2020. Mais le chantier est affecté par des problèmes de soudures qui nécessitent encore un "travail technique important", a mis en garde l'ASN.
Pour ce qui est de Fessenheim, l'ASN a aussi prévenu que ses deux réacteurs devront cesser de fonctionner au plus tard en 2020 et 2022 respectivement.
En effet, les travaux nécessaires n'ont pas été engagés pour prolonger éventuellement leur vie au-delà de cette échéance. Les réacteurs ne passeront donc pas leur quatrième "visite décennale", indispensable pour les prolonger à 50 ans.
Les syndicats qui ont attaqué le décret ne se font d'ailleurs pas d'illusion.
"Cette annulation du décret Royal est une grande satisfaction pour les salariés. Malheureusement, cela ne changera pas grande chose à la fermeture", a expliqué à l'AFP Anne Laszlo, déléguée CFE-CGC Énergies.
"Les injonctions politiques ont fait que la quatrième visite décennale des réacteurs n'est pas préparée et qu'il ne sera pas possible de la faire. Et ce n'est pas parce qu'il y avait effectivement un vice de forme sur ce décret qu'il y aura un changement de cap politique", a-t-elle reconnu.
Même son de cloche du côté des anti-nucléaires: "ça ne change strictement rien", juge auprès de l'AFP Yannick Rousselet de Greenpeace. "Il n'y aura pas de prolongation".
Mise en service en 1977, Fessenheim est la doyenne des centrales encore en activité en France. Sa fermeture, qui était une promesse de l'ex-président François Hollande, devait avoir initialement lieu fin 2016 mais a été plusieurs fois reportée.
Contacté, EDF n'a pas souhaité faire de commentaire.
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