S'exprimant devant un forum international d'investissement à Ryad, l'héritier du trône du premier exportateur de pétrole au monde a également affirmé que "la justice prévaudra" dans cette affaire et qu'il n'y aurait "pas de rupture des liens avec la Turquie".
Jamal Khashoggi a été tué au consulat saoudien à Istanbul, où il s'était rendu le 2 octobre pour des formalités administratives.
Après avoir nié sa mort, Ryad, sous la pression internationale, a avancé plusieurs versions évoquant un temps une "rixe" ayant mal tourné puis affirmant que le meurtre avait été commis lors d'une opération "non autorisée" et dont le prince héritier, considéré comme l'homme fort du royaume, n'avait pas été informé.
Mais les explications saoudiennes n'ont guère convaincu et les Occidentaux, sceptiques, ont réclamé une enquête "crédible et transparente".
Lors d'une conversation téléphonique mercredi avec le roi Salmane, la Première ministre britannique Theresa May a "exhorté l'Arabie Saoudite à coopérer avec l'enquête turque et à être transparente sur ses résultats", soulignant que "les explications actuelles manquaient de crédibilité".
"L'incident est très douloureux pour tous les Saoudiens. C'est un incident hideux et totalement injustifiable", a estimé le prince Mohammed ben Salmane, 33 ans, lors de sa première intervention publique depuis le meurtre de Jamal Khashoggi, qualifié "d'assassinat politique" planifié par le président turc Recep Tayyip Erdogan.
"Beaucoup essayent d'exploiter l'affaire Khashoggi pour créer un antagonisme entre l'Arabie saoudite et la Turquie mais ils ne réussiront pas", a ajouté le prince héritier, qui a eu un entretien téléphonique mercredi avec M. Erdogan, le premier depuis le début de l'affaire.
"Ma bataille"
La presse turque a publié des détails macabres sur le meurtre de ce collaborateur du Washington Post. Mais si les médias ont mis en cause Mohammed ben Salmane, M. Erdogan s'est jusqu'à présent gardé de l'accuser directement.
Ryad a annoncé des arrestations et des limogeages et affirmé que toutes les personnes impliquées rendraient des comptes.
Sur les réformes engagées dans le royaume, le prince héritier a affirmé que "dans les cinq prochaines années, l'Arabie saoudite sera totalement différente".
"Si nous réussissons dans les cinq années à venir, d'autres pays (de la région) nous suivront", a-t-il dit. "C'est la bataille des Saoudiens et c'est ma bataille dans laquelle je suis engagé personnellement".
C'est au deuxième jour du Future Investment Initiative (FII), boycotté par des dirigeants politiques et des chefs d'entreprise après l'affaire Khashoggi que le prince héritier s'est exprimé.
Ce forum qui s'achève jeudi, destiné à montrer à l'international le royaume pétrolier désertique comme une destination d'affaires lucrative, a été totalement éclipsé par les retombées politiques du meurtre du journaliste.
Les organisateurs saoudiens se sont efforcés néanmoins de montrer que les affaires suivent leur cours normal, annonçant 12 "méga-projets" d'une valeur de plus de 50 milliards de dollars (43 milliards d'euros), dans les secteurs du pétrole, du gaz et des infrastructures.
"Ce n'est pas fini"
Les Etats-Unis ont annoncé une première mesure de rétorsion : la révocation des visas de 21 suspects saoudiens. La Grande-Bretagne leur a emboîté le pas en annulant tout éventuel visa détenu par les suspects.
De son côté, la France s'est dite prête à des "sanctions internationales" contre "les coupables", "en lien avec ses partenaires", a annoncé l'Elysée mercredi soir après un entretien téléphonique entre le président Emmanuel Macron et le roi saoudien.
Proche allié de Ryad, le président américain Donald Trump a estimé mardi que l'opération de dissimulation saoudienne, "l'une des pires de l'Histoire", avait été un "fiasco total".
Interrogé par le Wall Street Journal sur une éventuelle implication de MBS dans le meurtre de Jamal Khashoggi, il a rappelé qu'il "est en charge" des affaires courantes en Arabie saoudite en ce moment. "Donc si qui que ce soit avait pu être impliqué, ce serait lui".
En Turquie, l'agence de presse étatique Anadolu a affirmé que les autorités saoudiennes n'avaient pas autorisé les enquêteurs turcs à fouiller un puits situé dans le jardin du consulat, alors que le corps de Khashoggi, tué à l'âge de 59 ans, n'a toujours pas été retrouvé.
M. Erdogan a affirmé que son pays était "déterminé à ne pas laisser ce crime être mis sous le tapis et à ne laisser personne, des commanditaires aux exécutants, échapper à la justice. Nous avons démêlé, démonté tout cela pièce par pièce. Ce n'est pas fini."
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