Après la conférence de presse électrique de vendredi, où il dénonçait les "affirmations diffamatoires et calomnieuses" de Radio France dans une enquête sur ses comptes de campagne, une nouvelle rencontre tendue entre le chef de file des Insoumis et les journalistes a eu lieu dans les couloirs du Parlement européen à Strasbourg.
Il a pourtant d'abord relativisé "la persécution politique" dont son mouvement fait selon lui l'objet: "Ce pays a bon fond, y compris dans les médias, les choses vont se retourner".
Mais l'atmosphère s'est glacée lorsqu'à une question sur l'éventualité de rebondissements sur ses comptes de campagne, il a répliqué: "Il y en aura. Nous sommes persécutés. Beaucoup de nos amis sont très traumatisés. Je vous demande de le comprendre, même si moi vous me détestez, et je peux le comprendre car je vous le rends bien".
A une journaliste de Radio France qui lui demandait ensuite s'il accepterait de venir s'expliquer dans une de leurs émissions, le chef de file de La France insoumise a cinglé: "Des explications, vous pouvez toujours courir, vous n'êtes pas un commissariat. (...) Je ne débattrai avec aucun d'entre vous car vous êtes malveillants et des faussaires."
"Peut-être que nous ferons la faveur à quelques-uns d'aller nous expliquer. Mais certainement pas à la radio d'Etat", a-t-il lancé.
Radio France a déposé sa plainte contre Jean-Luc Mélenchon mercredi, a annoncé la patronne du groupe Sibyle Veil dans un courrier envoyé aux salariés, expliquant que "dénigrer, discréditer, jeter le doute sur le professionnalisme" des journalistes n'était "pas acceptable".
"Passer à autre chose"
La séquence vient illustrer à nouveau le rapport conflictuel entretenu et assumé par Jean-Luc Mélenchon avec la presse, lui qui assurait en février sur son blog: "La haine des médias et de ceux qui les animent est juste et saine". Il édictait alors: "Nous n'avons pas d'autre adversaire concret que le +parti médiatique+. Lui seul mène bataille sur le terrain, en inoculant chaque jour la drogue dans les cerveaux."
Une vingtaine de sociétés de journalistes (SDJ) ont apporté lundi leur "soutien sans réserve" aux journalistes de Radio France, Médiapart et France 3, pris pour cible au cours des derniers jours.
Arnaud Benedetti, professeur associé à l'université Paris-Sorbonne, voyait dans l'attitude du député des Bouches-du-Rhône, lundi dans Le Figaro, un "pari" de défiance des institutions, y compris médiatiques. Après les perquisitions de mardi 23 octobre, "passé les premières émotions et réprobations portées par l'instantanéité médiatique le travail de sape, inexorable, continuera sa métastase. C'est ce constat qui fonde le pari de Jean-Luc Mélenchon: le moment est venu d'accélérer dans une atmosphère de décomposition que tout le monde pressent mais n'ose regarder en face."
Dans l'entourage du leader Insoumis, on veut croire que l'épisode n'aura pas d'impact négatif sur le mouvement, et même que "ce genre de circonstances soudent les Insoumis". La France insoumise dit avoir enregistré 2.300 nouvelles inscriptions en un semaine, un record, argue le responsable de la communication numérique, Antoine Léaument.
Jean-Luc Mélenchon subit pourtant, dans l'immédiat, un recul de popularité de 7 points à 23% d'avis favorables, selon un sondage Ipsos pour Le Point publié mercredi. Et la volonté de LFI est de reprendre la main après une semaine compliquée.
"On ne souhaite pas poursuivre le feuilleton pendant des semaines", confie le directeur des campagnes et cotête de liste aux Européennes, Manuel Bompard, à l'AFP. "On a commencé à poser des éléments pour passer à autre chose".
Un meeting de Jean-Luc Mélenchon est organisé mardi à Lille. "La solution c'est le peuple, on va au milieu des nôtres, on ne reste pas enfermé dans une confrontation médiatique, qui ne concerne qu'un microcosme", avance M. Bompard.
Et mercredi matin, Jean-Luc Mélenchon tenait sa première conférence de presse commune avec son nouvel allié Emmanuel Maurel, en vue des élections européennes de mai 2019. "L'idée, c'est qu'on présente ensemble une liste aux élections européennes", a déclaré M. Mélenchon.
M. Maurel, qui a lancé avec la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann son mouvement "Après" à la suite de leur départ du parti socialiste, a quant à lui "constaté d'incontestables convergences sur le fond": "un certain nombre de ruptures fortes" au sein de l'Union européenne, dont "sortir des traités européens", "l'évasion fiscale", "les combats écologiques" et "la lutte contre le libre-échange généralisé".
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