Tout en se défendant de chercher à "couvrir" Ryad, Donald Trump a mis en avant ces derniers jours les énormes intérêts stratégiques qui lient son pays au royaume sunnite, citant la lutte contre le terrorisme, la nécessité de contrer l'influence de l'Iran chiite mais aussi les contrats d'armement et leurs retombées économiques.
Seul indice tangible de fermeté à ce stade, le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, a annoncé qu'il ne se rendrait pas à une conférence économique organisée à Ryad et boycottée par un nombre croissant de personnalités, dont le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire.
"Nous devons leur donner quelques jours de plus pour mener à bien (les investigations) afin que nous ayons une bonne compréhension des faits", a affirmé le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo de retour d'un déplacement à Ryad où il a rencontré le roi et le prince héritier.
"Nous leur avons clairement indiqué que nous prenions cette affaire très au sérieux", a-t-il ajouté à l'issue d'une rencontre dans le Bureau ovale avec Donald Trump alors que s'accumulent les éléments accréditant la thèse de l'assassinat de Jamal Khashoggi, porté disparu depuis qu'il s'est rendu au consulat saoudien à Istanbul le 2 octobre.
Dans un tweet, le président américain a assuré avoir discuté du dossier "en détail" avec son secrétaire d'Etat, mais n'a pas dit un mot sur d'éventuelles mesures à venir.
"Grande valise"
La publication de nouvelles images tirées des caméras de vidéosurveillance retraçant les mouvements à Istanbul d'un officier des services de sécurité proche du prince héritier saoudien a fait encore monté d'un cran la pression sur Ryad.
Selon le New York Times, l'homme en question, Maher Abdulaziz Mutreb, qui avait été identifié par les autorités turques comme l'un des membres d'une équipe de 15 agents envoyée par Ryad pour "assassiner" le journaliste, fait partie de l'entourage du prince héritier et homme fort d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane.
Sur les nouvelles images publiées jeudi par le quotidien progouvernemental turc Sabah sous le titre de "Voici le chef de l'équipe d'exécution", on peut voir un homme présenté comme étant Mutreb arriver à 06H55 GMT au consulat saoudien, et à 13H53 devant la résidence du consul.
M. Khashoggi était entré au consulat autour de 10H15 GMT et n'en est jamais sorti.
Mutreb peut ensuite être vu sur les images quittant un hôtel d'Istanbul muni d'une "grande valise" et accompagné d'un groupe d'hommes à 14H15 GMT. Il arrive 45 minutes plus tard à l'aéroport d'Istanbul pour prendre un vol.
La presse turque, affirmant s'appuyer sur des enregistrements sonores réalisés sur place, avait déjà publié mercredi de nouvelles informations accablantes, selon lesquelles Jamal Khashoggi aurait été torturé et assassiné dans le consulat dès le jour de sa disparition.
Enquête de l'ONU ?
Le Washington Post a publié mercredi ce qu'il présente comme la dernière contribution de Jamal Khashoggi, un texte dans lequel le journaliste évoque le manque de liberté de la presse dans le monde arabe. "Hélas, cette situation ne changera probablement pas", déplore le journaliste dans cette tribune transmise au quotidien par son traducteur au lendemain de sa disparition.
Amnesty International, Human Rights Watch, Reporters Sans Frontières et le Comité de protection des journalistes ont de leur côté appelé la Turquie à demander une enquête de l'ONU sur l'affaire Khashoggi.
"L'implication des Nations Unies est la meilleure garantie contre un blanchiment saoudien ou contre les tentatives d'autres gouvernements de passer sous silence le problème afin de préserver des relations commerciales lucratives avec Riyad", a déclaré Robert Mahoney, directeur exécutif adjoint du Comité de protection des journalistes, cité dans le communiqué.
"Compte tenu de la possible implication des autorités saoudiennes dans la disparition forcée de Khashoggi et de son assassinat, ainsi que du manque d'indépendance du système de justice pénale saoudien, l'impartialité de toute enquête menée par les autorités saoudiennes serait remise en question", ajoute le communiqué.
Le parquet d'Istanbul a publié jeudi un communiqué, affirmant qu'il informerait le public des avancées de l'enquête "en cas de nécessité".
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