De l'Atlantique au Pacifique, les premiers clients sont arrivés au milieu de la nuit devant les boutiques, bravant souvent la pluie ou le froid pendant plusieurs heures. Seuls les habitants de l'Ontario n'ont pu prendre part à la fête, faute de magasins prêts à temps, et ont dû commander en ligne.
En parallèle, dans toutes les provinces, les commandes sur internet explosaient dès les premières heures de la journée, et des ruptures de stocks sur certains produits étaient signalées en fin de journée en Ontario, en Alberta et au Manitoba, selon la chaîne publique CBC.
A Montréal, devant la succursale de la rue Sainte-Catherine de la Société québécoise du cannabis (SQDC), l'une des principales artères du centre-ville, Mathieu a fait le pied de grue depuis 03H00. "C'est historique, je voulais être là!", explique-t-il à l'AFP.
"On a tous du +pot+ (de l'herbe, NDLR) chez nous, là c'est pour vivre le truc et tester les saveurs", relève Sébastien Bouzats, originaire de Bordeaux. "Les Français vont tous venir fumer ici", prédit-il.
A Québec, Zachary, un étudiant de 18 ans, s'inquiète des intentions du nouveau gouvernement québécois de François Legault de relever à 21 ans l'âge légal pour fumer du cannabis. "Je n'atteindrai pas jusqu'à 21 ans pour retourner en acheter dans une boutique de la SQDC", prévient-il en rappelant qu'il peut toujours "aller voir" ses amis du marché noir.
Opposition conservatrice
Trois ans après son élection, le gouvernement libéral de Justin Trudeau réalise l'un de ses engagements de campagne les plus symboliques: le Canada est seulement le deuxième Etat de la planète à autoriser la marijuana récréative, après l'Uruguay en 2013.
Aux Etats-Unis, la consommation récréative de cannabis a également été légalisée dans huit Etats --la Californie est devenue le 1er janvier 2018 le plus gros marché légal au monde-- et dans la capitale Washington.
Parallèlement, nombre de pays comme les Pays-Bas ou l'Espagne ont dépénalisé la marijuana ou légalisé le cannabis thérapeutique.
La mise en oeuvre de cette mesure sera scrutée et disséquée tant par les Canadiens, appelés aux urnes dans un an pour des législatives incertaines, que par les pays alliés d'Ottawa.
Le gouvernement a voulu permettre à chaque province d'organiser le commerce de l'herbe, chacune privilégiant sa propre recette pour ordonner ce marché juteux évalué à environ 6 milliards de dollars canadiens (4 milliards d'euros) par an.
L'opposition conservatrice au Parlement d'Ottawa a multiplié les attaques ces derniers jours contre cette mesure qui, selon les adversaires de M. Trudeau mais aussi selon des médecins, a été précipitée et a occulté plusieurs dangers pour la santé et la sécurité publiques.
"C'est sûr qu'il va y avoir encore des défis à surmonter", a répondu mercredi Justin Trudeau, mais "on va continuer de travailler avec les municipalités, avec les provinces (...) pour s'assurer que ça fonctionne bien".
Echec de la prohibition
Le Premier ministre a répété que "la prohibition" du cannabis, en vigueur depuis 1923 au Canada, n'avait pas empêché que "les jeunes Canadiens" aient "le plus haut taux d'utilisation de marijuana dans le monde", et que tout cela n'avait profité qu'au "crime organisé".
De son côté, le ministre de la Santé publique Ralph Goodale a annoncé la présentation prochaine d'un projet d'amnistie simplifiée pour les consommateurs condamnés à des peines pour simple possession de cannabis.
Parmi eux, souvent surreprésentés, figurent bien des membres de "communautés marginalisées" et de "minorités visibles", a renchéri le Premier ministre, estimant qu'une amnistie leur permettrait de se défaire "du stigmate d'un casier judiciaire" et de réussir sur le marché du travail.
En campagne en 2015, M. Trudeau avait reconnu avoir lui-même fumé quelques joints par le passé, y compris lorsqu'il était député d'opposition. Mais désormais Premier ministre, il affirme avoir renoncé aux pétards: "Je ne bois pas beaucoup d'alcool. Je ne bois pas de café. Je n'ai pas l'intention de fumer de la marijuana", a-t-il déclaré aux journalistes.
Selon les statistiques officielles, 16% de la population canadienne a consommé du cannabis en 2017.
Il semble inévitable que les 120 producteurs autorisés actuellement ne soient pas en mesure de satisfaire toute la demande dans l'immédiat. Mais pour Bill Blair, ministre chargé de la Réduction du crime organisé, il est envisageable de ravir 25% du marché noir d'ici la fin 2018 et environ la moitié d'ici un an.
En Bourse, les deux plus gros acteurs canadiens du cannabis, Canopy Growth et Tilray, ont enregistré mercredi des reculs pour une deuxième journée consécutive, après avoir vu leur capitalisation respective bondir d'environ 400 et 500% depuis un an.
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