Au Québec, où les boutiques d'Etat de la Société québécoise du cannabis (SQDC) ont ouvert leurs portes à 10H00 (14H00 GMT), les premiers clients sont arrivés au milieu de la nuit.
A Montréal, devant la succursale de la rue Sainte-Catherine, l'une des principales artères du centre-ville, Mathieu fait le pied de grue depuis 03H00, explique-t-il à l'AFP. "C'est historique, je voulais être là!".
Plusieurs dizaines de personnes attendaient patiemment en début de matinée le long du trottoir. Certaines ont apporté des chaises pliantes et tuaient le temps en... fumant un joint.
"Ça faisait longtemps que ça devait être légalisé. Je fume depuis que j'ai 15 ans, j'en ai 33. Je fume avant d'aller travailler, je suis préparateur de commandes. J'ai 300 dollars en poche là", ajoute Mathieu.
"On a tous du +pot+ (de l'herbe, NDLR) chez nous, là c'est pour vivre le truc et tester les saveurs", relève de son côté Sébastien Bouzats, originaire de Bordeaux. "Les Français vont tous venir fumer ici", prédit-il.
Les tout premiers clients au Canada avaient acheté leurs premiers grammes de marijuana dès minuit heure locale (02H30 GMT mercredi) à Saint-Jean-de-Terre-Neuve (est).
"C'était mon rêve de devenir la première personne à acheter le premier gramme légal de cannabis, et voilà, je suis là", a déclaré Ian Power aux journalistes sur place. "Je suis sur un petit nuage, tellement excité, je n'arrête pas de sourire. Il gèle dehors, mais je n'ai pas froid."
Opposition conservatrice
Trois ans après son élection, le gouvernement libéral de Justin Trudeau réalise l'un de ses engagements de campagne les plus symboliques: le Canada est seulement le deuxième Etat de la planète à autoriser la marijuana récréative, après l'Uruguay en 2013.
Aux Etats-Unis, la consommation récréative de cannabis a également été légalisée dans huit Etats --la Californie est devenue le 1er janvier 2018 le plus gros marché légal au monde-- et dans la capitale Washington.
Parallèlement, nombre de pays comme les Pays-Bas ou l'Espagne ont dépénalisé l'usage et la détention de marijuana ou légalisé le cannabis thérapeutique.
La mise en oeuvre de cette mesure sera scrutée et disséquée tant par les Canadiens, appelés aux urnes dans un an pour des législatives incertaines, que par les pays alliés d'Ottawa.
Le gouvernement a voulu permettre à chaque province d'organiser le commerce de l'herbe, et de Montréal à Vancouver en passant par Toronto et Winnipeg, chaque région a retenu sa propre recette pour organiser ce marché juteux évalué à environ 6 milliards de dollars canadiens (4 milliards d'euros) par an.
L'opposition conservatrice au Parlement d'Ottawa a multiplié les attaques ces derniers jours contre cette mesure qui, selon les adversaires de M. Trudeau mais aussi selon des médecins, a été précipitée et a occulté plusieurs dangers pour la santé et la sécurité publiques.
"Ça fait au moins deux ans qu'on travaille avec les différents gouvernements", a répondu mardi Justin Trudeau, répétant que la légalisation devait permettre de restreindre l'accès de cette drogue douce aux mineurs et "enlever l'argent des poches des organisations criminelles".
Dès mercredi matin, le ministre de la Santé publique Ralph Goodale a annoncé un projet d'amnistie pour les consomateurs condamnés à des peines légères pour simple possession de cannabis.
16% de fumeurs
En campagne en 2015, M. Trudeau avait reconnu avoir lui-même fumé quelques joints par le passé, y compris lorsqu'il était député d'opposition. Mais désormais Premier ministre, il affirme avoir renoncé aux pétards: "il ne prévoit pas d'acheter ou de consommer de cannabis une fois que ce sera légalisé", a dit son cabinet à l'AFP.
Selon les statistiques officielles, 16% de la population canadienne a fumé du cannabis en 2017, ce qui représente 773 tonnes de drogue douce.
Il semble inévitable que les 120 producteurs autorisés actuellement ne soient pas en mesure de satisfaire toute la demande dans l'immédiat. Mais pour Bill Blair, ministre chargé de la Réduction du crime organisé, il est envisageable de ravir 25% du marché noir d'ici la fin 2018 et environ la moitié d'ici un an.
"De nombreuses personnes pensent que la légalisation est un événement, mais c'est un processus", a-t-il déclaré à l'AFP. "Pendant près d'un siècle, les groupes criminels contrôlaient entièrement le marché, 100% de sa production et de sa distribution et ils en ont tiré des bénéfices de plusieurs milliards de dollars chaque année", rappelle-t-il. "Ils ne vont pas disparaître tranquillement du jour au lendemain".
Selon le ministère de la Justice, éradiquer le marché noir prendra ainsi au moins quatre ans.
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