Sur les réseaux sociaux, cette Parisienne de 33 ans exhibait une cicatrice, selon elle la séquelle d'une rafale de kalachnikov reçue à la terrasse du bar le Carillon, le soir des attentats. Facilement identifiable à sa couronne de fleurs, elle aimait rencontrer les officiels lors des cérémonies d'hommage.
Photographiée dans le cadre d'une dépêche de l'AFP sur les victimes ayant recours au tatouage comme "thérapie", elle exhibait fièrement le sien, la devise de Paris "Fluctuat nec mergitur", devenue symbole de résilience après les attaques.
Mais tout n'était que mensonges. Après trois ans d'affabulations, la jeune femme aux longs cheveux noirs avait avoué en pleurant, à l'ouverture de son procès début octobre, qu'elle était "coupable", et "demandé pardon".
Pour escroquerie et faux témoignage, le tribunal correctionnel l'a condamnée à deux ans de prison, dont 18 mois de sursis assorti d'une mise à l'épreuve comprenant une obligation de soins, d'indemniser les parties civiles et de chercher un travail.
La jeune femme avait escroqué le Fonds de garantie des victimes de terrorisme et autres infractions pénales (FGTI) à hauteur de 20.000 euros, mais aussi l'Association française des victimes du terrorisme (AFVT), grâce à laquelle elle avait bénéficié d'un stage thérapeutique dans un hôtel en Normandie.
"La justice montre qu'elle peut être intelligente", a réagi le défenseur de la jeune femme, William Bourdon, saluant une "décision équilibrée, modérée".
Selon l'avocat, ce jugement "prend en compte la défense" d'Alexandra Damien, "ses aveux courageux et en même temps la démonstration du fait que la cupidité n'était pas sa ligne rouge".
Le parquet avait requis 18 mois ferme, pointant au contraire un dossier "marqué par la cupidité" de celle qui avait relancé dix fois le Fonds de garantie.
"Vampiriser le chagrin"
Le soir du 13 novembre 2015, cette habituée du Carillon avait prévu d'y aller avant de changer de programme. Les attentats les plus sanglants commis en France, qui avaient ciblé des terrasses de cafés, la salle du Bataclan et le Stade de France, avaient fait 130 morts.
Après l'attaque du Carillon dans laquelle elle aurait "perdu des connaissances" avait surgi une écrasante "culpabilité", avait-elle assuré lors du procès: "Est-ce que j'aurais pu les sauver ?" Dans sa tête, le "+j'aurais dû y être+" était devenu "+j'y étais+".
Elle avait porté plainte et s'était rapprochée de la principale association de victimes du 13-Novembre, Life for Paris, dans laquelle elle s'était beaucoup investie. Son inscription sur la "Liste unique des victimes" établie par le parquet lui avait ouvert des droits à l'indemnisation par le FGTI.
De nombreuses incohérences dans son récit avaient conduit à l'ouverture d'une enquête.
Alexandra Damien, qui a perdu son emploi en raison de cette affaire, devra rembourser au FGTI les 20.000 euros indûment perçus et à l'AFVT le montant du stage thérapeutique. Elle devra aussi leur verser, ainsi qu'à Life for Paris, des dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral et des frais de justice.
"Le statut de victime, ça lui est apparu comme une espèce de refuge, de tanière, avec des institutions qui l'accompagnent, comme une espèce de reconnaissance, de douceur", a insisté son avocat.
"Escroquer la solidarité nationale et vampiriser le chagrin des victimes de terrorisme mérite sanction, la condamnation d'aujourd'hui le montre", a quant à lui réagi Arthur Dénouveaux, président de Life for Paris.
Selon l'avocat de l'association, Jean-Marc Delas, cette imposture, "totalement insupportable, incompréhensible", a été vécue "comme une profonde trahison" par les membres de Life for Paris.
Une quinzaine de personnes ont déjà été condamnées pour tentative d'escroquerie ou escroqueries liées aux attentats de 2015.
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13 novembre: les imposteurs, "fausses victimes" en mal d'argent ou de reconnaissance
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