Lorsqu'il devint le 23 février 1977 archevêque de la capitale San Salvador, rien ne prédestinait ce prélat de 59 ans, plutôt traditionaliste, à devenir la bête noire de l'oligarchie en place.
Il était alors un ecclésiastique soutenu par les puissants et n'avait pas la confiance du clergé progressiste.
Mais l'assassinat par des escadrons de la mort de son ami jésuite, Rutilio Grand, avec deux paysans en mars 1977 le fit changer du tout au tout : dès lors il devient "la voix des sans voix" pour dénoncer l'injustice.
"C'était un homme timide, introverti, mais cela ne veut pas dire qu'il n'avait pas de personnalité, il savait prendre des décisions", a confié à l'AFP l'évêque émérite de Santiago de Maria, Orlando Cabrera, 80 ans, qui a connu Romero en 1965.
Mettant son talent oratoire au service de la dénonciation des crimes, enlèvements et assassinats menés par l'armée salvadorienne et les escadrons de la mort, il devient rapidement l'homme à abattre.
"Il s'est retrouvé seul" dans la défense des pauvres et des persécutés, explique son frère Gaspar, 88 ans, qui se souvient que des évêques, proches du pouvoir, sont allés à Rome pour demander qu'il soit relevé de ses fonctions archi-épiscopales.
En guise d'alerte avant son assassinat : deux bombes de forte puissance avaient détruit le 18 février 1980 la radio catholique Ysax ; le 10 mars suivant, une valise remplie avec suffisamment de dynamite pour faire sauter tout le quartier était découverte dans une basilique où l'archevêque célèbrait la messe.
Finalement, le 24 mars 1980, un franc tireur l'abat alors qu'il célèbre la messe dans la chapelle d'un l'hôpital, au nord de San Salvador. L'assassin comme ses commanditaires n'ont jamais comparu en justice.
La veille, il avait appelé les soldats à désobéir aux ordres de tirer contre le peuple : "Je vous en supplie, je vous le demande, je vous l'ordonne, au nom de Dieu : cessez la répression !", avait-il lancé depuis sa chaire.
"L'Eglise en sortie"
Près de 150.000 personnes assistent à ses funérailles célébrées dans la cathédrale de San Salvador, mais une bombe explose dans la foule et des coups de feu sont tirés, faisant 40 morts et plus de 200 blessés.
"La messe n'a pas pu se terminer. Des gens volaient partout, c'était quelque chose d'indescriptible", raconte Gaspar Romero.
Cet assassinat devait profondément marquer le pays, plus que jamais divisé, et qui s'est alors enfoncé pour douze ans dans une guerre civile qui a fait au moins 75.000 morts.
Avant et après, des religieuses, des catéchistes et une vingtaine de prêtres ont subi le même sort, tués par l'armée ou des escadrons de la mort.
Né le 15 août 1917 à Ciudad Barrios, un village à 156 km au nord-est de San Salvador vivant de la culture du café, Oscar Arnulfo Romero était aussi un musicien hors pair, d'abord avec une simple flûte de bambou offerte par son père, ensuite au piano.
Après des études au séminaire en 1937 au Salvador, il est envoyé à Rome, où il est ordonné prêtre en avril 1942. En 1970, il est désigné évêque auxiliaire de San Salvador, puis évêque de Santiago de Maria en 1974.
Il a été déclaré "martyr de la foi" et béatifié en 2015 par le pape François. Mais les Salvadoriens n'ont pas attendu cela pour considérer leur archevêque martyr comme un saint : sa tombe dans la cathédrale de San Salvador n'a cessé d'être fleurie par les plus humbles.
Il est aussi devenu la référence de ce que le pape François appelle l'"Eglise en sortie", celle qui abandonne le confort des couvents pour aller vers les pauvres.
Il a été canonisé dimanche après la reconnaissance d'un "miracle" par son intercession en faveur d'une Salvadorienne, Cecilia Maribel Flores de Rivas, considérée comme condamnée par ses médecins.
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