En février, près de 3.000 sans-abri avaient été dénombrés dans les rues de Paris lors d'un recensement inédit organisé par la mairie, sur fond d'une querelle de chiffres entre le gouvernement et les associations.
"Il manque donc près de 3.000 places d'hébergement d'urgence dans la capitale. Je me suis engagée à ce que la Ville fasse la moitié du chemin. Plus de 800 ont déjà été créées dans nos bâtiments depuis février, 700 seront ouvertes d'ici à début 2019. L'État est chargé de créer les 1.500 autres", explique Anne Hidalgo dans un entretien au Journal du Dimanche.
Pour ce faire, l'élue, qui lance au passage un appel aux entreprises pour mettre leurs locaux inoccupés à disposition des plus démunis, compte utiliser des bâtiments vacants et des lieux municipaux en fonctionnement.
"Plusieurs mairies d'arrondissement – de gauche comme de droite – ont accepté d'ouvrir des places d'hébergement dans leurs locaux (...) Dans le même élan, j'ai tenu à créer une halte de nuit dédiée aux femmes dans l'Hôtel de Ville de Paris" qui ouvrira fin novembre, affirme-t-elle.
Femmes "traumatisées"
A l'Hôtel de Ville, qui héberge les institutions municipales depuis le XIVè siècle, les très solennels salons des Prévôts et des Tapisseries, d'habitude réservés à l'accueil de personnalités ou d'expositions, "seront transformés en accueil de jour – des repas seront servis et des soins prodigués – ainsi qu'en halte de nuit, avec des lits, des dortoirs, des blocs sanitaires".
Une cinquantaine de femmes SDF, et jusqu'à une centaine en cas de grand froid, pourront être accueillies dans cette halte qui sera "pérenne", ajoute l'édile, probable candidate à sa succession en 2020.
Ces femmes, qui représentent 12% des personnes à la rue, seront prises en charge par des femmes, "car certaines sont traumatisées et fuient toute présence masculine", selon la maire.
Elles ont été "tellement blessées par la vie, victimes de violences conjugales, et subissant de nombreuses agressions dans la rue, qu'elles ne veulent plus venir dans les centres d'hébergement qui sont mixtes pour la plupart", a expliqué sur LCI Dominique Versini, adjointe chargée des solidarités.
Pour le président du Samu social Eric Pliez, "utiliser les bureaux vides, utiliser les lieux en instance de réaffectation (est) une bonne initiative".
Le communiste Ian Brossat, adjoint chargé du logement et chef de file de son parti pour les européennes, a jugé "inacceptable que des personnes continuent à dormir dehors dans la 6e puissance économique du monde". "Chacun doit donner l'exemple", a-t-il tweeté.
"Démagogique"
La ministre du Travail Muriel Pénicaud a pour sa part plaidé en faveur d'"un plan à grande échelle" grâce auquel "plus personne ne (dormirait) dehors dans Paris". "Le symbole ce n'est pas le plus important", a-t-elle estimé.
En juillet 2017, le président Emmanuel Macron avait proclamé qu'il ne voulait "plus personne dans les rues, dans les bois" d'ici "la fin de l'année". Sept mois plus tard, en février 2018, il reconnaissait avoir "échoué".
Le député Agir de Paris Pierre-Yves Bournazel, potentiel candidat aux municipales, a apporté son soutien à l'initiative de mme Hidalgo, tout en prônant "des solutions structurelles et durables".
Pour le député LFI Adrien Quatennens il s'agit d'une "rustine peut-être utile mais sur un pneu crevé qu'il convient de changer", en vue d'un "véritable plan d'éradication de la pauvreté".
L'opposition y a vu surtout une opération de communication.
Entre Anne Hidalgo et la maire du Ve arrondissement Florence Berthout, présidente du groupe LR au Conseil de Paris, il y a "deux manières de faire de la politique", selon un des adjoints de Mme Berthout, Benjamin Isare: "avec tambours et trompettes" ou "l'accueil des femmes SDF à la mairie du Ve sans en faire la Une de la presse".
Bernard Debré, conseiller LR de Paris, a trouvé l'initiative "totalement démagogique".
"La +com+ remplace l'efficacité!", a tweeté l'UDI Yves Pozzo di Borgo, conseiller du VIIe arrondissement.
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