A six mois du divorce, prévu le 29 mars 2019, la dirigeante britannique cherche la solution qui puisse à la fois satisfaire les différentes sensibilités au sein de sa famille politique et préserver son alliance avec le petit parti nord-irlandais DUP, sur laquelle repose sa majorité absolue au parlement.
Malgré l'intensification des discussions entre les négociateurs britanniques et européens ces derniers jours, le ministre britannique des Finances, Philip Hammond, a reconnu qu'il était "extrêmement ambitieux" d'imaginer la conclusion d'un accord lors du conseil européen des 17 et 18 octobre, qui devait initialement marquer la fin des négociations.
"Il nous faut des progrès substantiels", a réclamé le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker à l'approche de la rencontre, qui constituera un "moment de vérité" selon le président du Conseil européen Donald Tusk.
Theresa May réunira mardi, la veille du sommet, ses principaux ministres pour évoquer notamment le devenir de la frontière entre la province britannique d'Irlande du Nord et la république d'Irlande, qui demeure l'une des difficultés majeures de ces négociations.
Menaces de démission
Londres s'est engagé à ne pas réinstaurer de frontière matérielle sur l'île d'Irlande, conformément à l'accord de paix du Vendredi saint signé en 1998, mais cet engagement va à l'encontre de sa volonté de quitter le marché unique et l'union douanière européenne.
La cheffe de l'exécutif a proposé de maintenir un "arrangement douanier temporaire" entre le Royaume-Uni et l'UE, jusqu'à l'émergence d'une solution sur la question de la frontière irlandaise.
Mais au sein de son parti conservateur, cette option a été balayée par les eurosceptiques, qui craignent qu'elle devienne permanente et empêche la conclusion d'accords commerciaux avec des pays tiers. "Temporaire signifie éternel", a lancé samedi le député Jacob Rees Mogg lors d'un évènement organisé par le groupe pro-Brexit Leave means Leave.
Cette option a également provoqué des menaces de démission de plusieurs membres du gouvernement, selon la presse britannique. Les noms de la ministre des Relations avec le Parlement, Andrea Leadsom, et de la ministre du Développement international Penny Mordaunt, ont été cités à plusieurs reprises.
Un porte-parole de Theresa May a cependant écarté le scénario d'une union douanière à durée illimitée, précisant qu'il durerait jusqu'en décembre 2021 au maximum. "La Première ministre n'accepterait jamais un accord qui piégerait le Royaume-Uni de manière permanente", a-t-il affirmé.
Le ministre irlandais des Affaires étrangères, Simon Coveney, a lui refusé d'imaginer une date limite à un tel dispositif, estimant qu'il devrait "rester en place jusqu'à ce qu'une meilleure alternative se présente".
"Respecter ses principes"
Mais pour Bruxelles, exclure une frontière physique sur l'île d'Irlande revient à déplacer la frontière, et les contrôles qu'elle implique, entre l'Irlande du Nord et la Grande-Bretagne.
"Il y aura des procédures administratives qui n'existent pas encore pour les marchandises en provenance du reste du Royaume-Uni qui arrivent en Irlande du Nord", a affirmé le négociateur en chef de l'UE, Michel Barnier.
Cette perspective a été jugée "inacceptable" par le DUP. Elle constituerait une "annexion permanente de l'Irlande du Nord, qui sortirait du Royaume-Uni, et nous laisserait pour toujours soumis à des règles écrites sans que nous ayons notre mot à dire", a déploré Arlene Foster, la cheffe du DUP, dans une tribune publiée samedi par le Belfast Telegraph.
Elle a appelé Theresa May à "respecter ses principes plutôt que d'accepter un accord dangereux imposé par d'autres". Alliés du parti conservateur, les 10 députés du DUP apportent au gouvernement le complément indispensable pour qu'il dispose d'une majorité absolue au Parlement de Westminster.
Pour dissiper les inquiétudes, une prolongation de la période de transition, qui doit s'étendre jusqu'en décembre 2020 et au cours de laquelle le Royaume-Uni serait maintenu au sein du marché unique et de l'union douanière, serait à l'étude à Bruxelles, ont rapporté samedi plusieurs quotidiens britanniques.
Mais cette hypothèse a été critiquée par certains élus eurosceptiques du parti conservateur, qui craignent qu'elle alourdisse la facture du divorce à régler par Londres.
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