Louise Mushikiwabo, ministre rwandaise des Affaires étrangères, a été nommée secrétaire générale par consensus, au dernier jour du sommet à Erevan de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), sorte de mini-ONU de 84 États et gouvernements.
"On peut faire beaucoup plus et beaucoup mieux. La Francophonie est là pour peser sur le cours des choses, que ce soit au sein de l'ONU ou dans nos organisations régionales", a déclaré la nouvelle "présidente" de la Francophonie, qui entrera en fonction en janvier prochain et pour quatre ans.
Sa nomination ne faisait plus aucun doute depuis que sa rivale, la sortante canadienne Michaëlle Jean, avait perdu ses deux plus importants soutiens: le Canada et le Québec, contraints de renoncer face à la multiplication des pays se ralliant au Rwanda.
La France d'abord, où la candidature de Mme Mushikiwabo a été annoncée lors d'une conférence conjointe entre les présidents rwandais Paul Kagame et français Emmanuel Macron. L'Afrique ensuite, après le soutien de l'Union africaine, présidée cette année par le même Paul Kagame.
La victoire de Mme Mushikiwabo est "le reflet de l'importance de l'Afrique pour la Francophonie", a reconnu, beau joueur, le Premier ministre canadien Justin Trudeau, interrogé pour savoir si le départ de Michaëlle Jean représentait un "camouflet".
"Il y a eu un consensus, je pense que c'est bon pour toute la Francophonie", a abondé le Premier ministre élu du Québec, François Legault.
L'offensive diplomatique rwandaise a eu raison des critiques que la candidature du Rwanda avait suscitées, d'abord sur les droits de l'homme. Paul Kagame, qui en est déjà à son troisième mandat, remporté avec un score mobutesque de 98%, a fait changer la Constitution pour rester au pouvoir jusqu'en 2034.
"Le Rwanda est loin d'avoir un régime politique respectueux des libertés individuelles et politiques, alors que la Charte de la Francophonie place ces principes en tête de ses valeurs fondamentales", accuse auprès de l'AFP Pierre-André Wiltzer, ancien ministre français de la Coopération et de la Francophonie.
"Le pays d'il y a 24 ans n'est plus ce qu'il est aujourd'hui", a répliqué M. Kagame dans une interview à TV5 Monde.
Le Rwanda "est en train de faire une vraie transition politique, en tout cas je l'espère", a estimé de son côté Emmanuel Macron sur France 24. "Et je pense que cette nomination oblige en quelque sorte".
Ce sont également des accusations de violations des droits de l'homme qui avaient fusé après la candidature de l'Arabie saoudite en tant que membre observateur de l'OIF. Face à la controverse, le royaume a finalement retiré sa demande.
Quant à la défense du français, le Rwanda est pointé du doigt depuis qu'il a remplacé en 2008 le français par l'anglais en tant que langue obligatoire à l'école, avant de rejoindre le Commonwealth, pendant anglophone de l'OIF. C'est d'ailleurs en anglais que Paul Kagame avait annoncé la candidature de sa ministre.
"Embrasser plusieurs langues pour nous est une richesse", a répondu Mme Mushikiwabo en conférence de presse. "Le Rwanda est à l'aise dans le Commonwealth et l'OIF", a-t-elle asséné.
"Petits arrangements"
Dans un discours qui sonnait comme un baroud d'honneur, prononcé jeudi au premier jour du sommet, Michaëlle Jean a ainsi dénoncé "les petits arrangements entre États", sans citer l'OIF. "Sommes-nous prêts à accepter que les organisations internationales soient utilisées à des fins partisanes?", a-t-elle demandé.
L'intronisation de Mme Mushikiwabo consacre le "retour" de l'Afrique à la tête de l'OIF, qui avait toujours été dirigée par des Africains avant Mme Jean, et sa consécration en tant que locomotive de la francophonie.
En vertu de son explosion démographique, l'Afrique, continent sur lequel se trouvent 27 des 54 membres de l'OIF ayant droit de vote, représentera 85% des francophones en 2050, sur un total de 700 millions, contre 274 aujourd'hui, selon l'OIF.
"L'épicentre de la langue française est sans doute dans le bassin du fleuve Congo ou quelque part dans la région", a ainsi répété Emmanuel Macron, fidèle à ce qui est devenu un mantra chez lui.
La victoire du Rwanda, pays plurilingue, consacre par ailleurs la stratégie inclusive d'Emmanuel Macron, qui entend défendre le français sans l'opposer aux autres langues. Le "combat fondamental pour notre langue est un combat pour le plurilinguisme", a-t-il répété dans son discours au sommet jeudi.
"Je compte donner de l'importance au français dans un monde de plus en plus multilingue. Le français a toute sa place à côté d'autres langues", a confirmé Mme Mushikiwabo.
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