Louise Mushikiwabo, ministre rwandaise des Affaires étrangères, a été nommée secrétaire générale par consensus, au dernier jour du sommet à Erevan de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), sorte de mini-Onu de 84 États et gouvernements.
"Je compte rendre à la Francophonie son plein rôle comme instance de dialogue et de négociation", a déclaré la Rwandaise dans son premier discours en tant que nouvelle "présidente" de la Francophonie.
Sa nomination ne faisait plus aucun doute depuis que sa rivale, la sortante canadienne Michaëlle Jean, avait perdu ses deux plus importants soutiens: le Canada et le Québec, contraints de renoncer face à la multiplication des pays se ralliant au Rwanda.
La France d'abord, premier bailleur de fonds de l'OIF devant le Canada-Québec, où la candidature de Mme Mushikiwabo a été annoncée lors d'une conférence conjointe entre les présidents rwandais Paul Kagame et français Emmanuel Macron, à tel point que beaucoup y ont vu un dossier téléguidé par Paris. L'Afrique ensuite, après le soutien de l'Union africaine, il est vrai présidée cette année par le même Paul Kagame.
Cette offensive diplomatique a eu raison des critiques que la candidature du Rwanda avait suscitées, d'abord sur les droits de l'Homme. Paul Kagame, qui en est déjà à son troisième mandat, remporté avec un score mobutesque de 98%, a fait changer la Constitution pour rester au pouvoir jusqu'en 2034.
Sur la langue ensuite: le Rwanda a remplacé en 2008 le français par l'anglais en tant que langue obligatoire à l'école, avant de rejoindre le Commonwealth, pendant anglophone de l'OIF. C'est d'ailleurs en anglais que Paul Kagame avait annoncé la candidature de sa ministre.
"Le Rwanda est loin d'avoir un régime politique respectueux des libertés individuelles et politiques, alors que la Charte de la Francophonie place ces principes en tête de ses valeurs fondamentales", accuse auprès de l'AFP Pierre-André Wiltzer, ancien ministre français de la Coopération et de la Francophonie.
"Petits arrangements"
Dans un discours qui sonnait comme un baroud d'honneur, prononcé jeudi au premier jour du sommet, Michaëlle Jean a ainsi dénoncé "les petits arrangements entre États", sans citer l'OIF. "Sommes-nous prêts à accepter que les organisations internationales soient utilisées à des fins partisanes?", a-t-elle demandé.
Récemment interrogée par l'AFP, Mme Mushikiwabo avait dénoncé une "étiquette collée" au Rwanda, affirmant que "la majorité des Rwandais (étaient) contents du système démocratique".
L'intronisation de Mme Mushikiwabo consacre le "retour" de l'Afrique à la tête de l'OIF, qui avait toujours été dirigée par des Africains avant Mme Jean, et sa consécration en tant que locomotive de la francophonie.
En vertu de son explosion démographique, l'Afrique, continent sur lequel se trouvent 27 des 54 membres de l'OIF ayant droit de vote, représentera 85% des francophones en 2050, sur un total de 700 millions, contre 274 aujourd'hui, selon l'OIF.
"L'épicentre de la langue française, de nos langues françaises, est sans doute dans le bassin du fleuve Congo ou quelque part dans la région", a ainsi répété Emmanuel Macron, fidèle à ce qui est devenu un mantra chez lui.
La France compte sur la nouvelle secrétaire générale pour "provoquer une sorte d'électrochoc" au sein d'une OIF "considérée comme très lointaine" de la jeunesse africaine, "la principale cible de la Francophonie", souligne-t-on dans l'entourage de M. Macron.
La victoire du Rwanda, pays plurilingue, consacre par ailleurs la stratégie inclusive d'Emmanuel Macron, qui entend défendre le français sans l'opposer aux autres langues. Le "combat fondamental pour notre langue est un combat pour le plurilinguisme (...) Le français est devenu une langue monde, il n'écrase pas les autres langues mais s'en nourrit", a-t-il répété dans son discours au sommet jeudi.
"Je compte donner de l'importance au français dans un monde de plus en plus multilingue. Le français a toute sa place à côté d'autres langues", a confirmé Mme Mushikiwabo.
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