Cette affaire présente le "visage de la criminalité organisée moderne", a souligné la représentante du ministère public devant le tribunal correctionnel de Paris, où 40 personnes sont jugées depuis le 17 septembre pour leur implication, à des degrés divers, dans ce vaste réseau franco-suisse de blanchiment.
Les blanchisseurs, des "professionnels de la finance", ont recyclé des centaines de millions d'euros de l'argent du cannabis grâce à un "système séculaire, extrêmement rapide, laissant peu de traces, et qui permet encore aujourd'hui l'évacuation de l'argent du proxénétisme ou de la cocaïne", a-t-elle relevé.
La plupart des protagonistes du dossier, trafiquants présumés, collecteurs d'espèces, financiers suisses et exilés fiscaux, "ne se connaissent pas, et c'est ce cloisonnement, la discrétion et la rapidité du blanchiment de l'argent qui garantissent la réussite des opérations", a poursuivi la procureure.
Jusqu'au démantèlement du réseau à l'automne 2012. Tout avait commencé quelques mois plus tôt par une enquête classique sur un trafic de cannabis entre le Maroc et la région parisienne.
"Millions d'euros immaculés "
La mise sur écoute de 114 lignes téléphoniques permet de comprendre la structure du trafic. L'importateur principal est identifié comme étant Rachid Mimoun, un Franco-Algérien de 45 ans qui naviguait entre le Maroc et l'Algérie. La plus lourde peine d'emprisonnement, neuf ans, assortie de 50.000 euros d'amende, a été requise à l'encontre de ce "trafiquant d'envergure", qui a reconnu l'importation de deux tonnes de résine de cannabis.
La marchandise était réceptionnée et revendue par ses relais en Ile-de-France. Puis, dans une même journée, un sac plastique bourré d'espèces, souvent en petites coupures, passait des mains d'un trafiquant à un collecteur, puis dans celle d'un autre collecteur. Dans des quartiers cossus de Paris, il remettait à des exilés fiscaux souhaitant rapatrier leur argent caché en Suisse, clients de son frère financier, "les millions d'euros immaculés du cannabis".
Depuis Genève et la société de gestion de patrimoine de Meyer El Maleh, une officine spécialisée dans la fraude fiscale, les avoirs des fraudeurs fiscaux étaient débités, et l'argent était reventilé, via des sociétés-écrans, vers les trafiquants marocains.
Douze millions d'euros auraient été ainsi blanchis entre 2010 et 2012 grâce au réseau de la famille El Maleh, dont cinq membres sont poursuivis dans ce dossier.
Meyer El Maleh ayant déjà été jugé et condamné en Suisse pour blanchiment de trafic de stupéfiants, le ministère public a demandé au tribunal de le condamner pour blanchiment de fraude fiscale en bande organisé. Cinq ans de prison et une amende d'un million d'euros, ainsi que la confiscation de ses comptes bancaires et de son appartement parisien ont été requis.
Le parquet a demandé la même peine de prison et d'amende contre le principal courtier occulte, Simon Perez, un ami de la famille El Maleh, soupçonné d'être à l'origine de ce système "complexe" de blanchiment.
Des peines allant d'un an avec sursis à trois ans de prison, dont un ferme, ont été requises contre les autres membres de la fratrie.
Un an avec sursis a été demandé à l'encontre de trois employées de "l'officine suisse", qui participaient aux opérations de blanchiment.
Quant aux fraudeurs fiscaux français, aux profils divers, jusqu'à deux ans de prison, dont un avec sursis, ont été requis.
Dix-sept autres, identifiés lors des investigations, ont fait l'objet en novembre 2017 d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, un plaider-coupable à la française, dont l'ancienne élue écologiste Florence Lamblin.
La plupart des prévenus a affirmé ne pas savoir que l'argent provenait de la drogue.
Le jugement est attendu le 19 octobre.
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