L'Elysée s'est décidé enfin à lever un coin du voile sur son projet, alors que les critiques sont de plus en plus vives contre un processus qui aura pris, si le remaniement intervient ce week-end, une dizaine de jours depuis la démission du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb.
L'entourage du président a ainsi expliqué que le retour à Lyon de M. Collomb avait créé "une opportunité pour retailler l'équipe". Il y aura donc "des entrants, des sortants et certains changeront de job à l'intérieur du gouvernement" avec aussi de possibles "changements de périmètre" et "redécoupages de portefeuilles."
Avant de s'envoler pour le Sommet de la Francophonie à Erevan, Emmanuel Macron a souligné au Conseil des ministres qu'il "assumait totalement de prendre le temps de faire ce fameux remaniement", a dit le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux.
Il a plaidé qu'un remaniement, "ce ne sont pas simplement des mouvements liés à des équilibres politiques.(...) Nous souhaitons des personnalités compétentes, reconnues dans leur secteur".
Le président, a-t-il ajouté, "assume de rompre avec les pratiques habituelles qui voulaient qu'on change en quelques heures tel ou tel ministre, en le passant d'un portefeuille ministériel à l'autre. (...) Il a dit que ça n'étaient pas des objets sur des étagères, les ministres, mais des personnes avec lesquelles il fallait avoir un dialogue nourri avant de décider de leur confier la mission importante de transformation du pays dans laquelle nous sommes engagés".
Pas convaincue par ce discours managérial, l'opposition voit dans le long délai écoulé depuis la démission de Gérard Collomb, le 2 octobre, le signe de dissensions et d'un manque de maîtrise de la part de l'exécutif.
"Tout ça symbolise une immense fébrilité au sommet de l'État, avec une succession de couacs et une incapacité à tracer un cap. On se demande si la France a toujours un capitaine", a ainsi accusé le n°3 des Républicains Guillaume Peltier. L'ancien ministre sarkozyste Brice Hortefeux juge, pour sa part, l'épisode révélateur d'un "total isolement" et de la "solitude" du président.
Un "bazar", dit Mélenchon
A gauche, l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon évoque un "bazar" privé de "pilote et d'équipage", quand le socialiste Stéphane Le Foll assure que si "on peut comprendre quelques jours de flottement (...), une semaine de flou, cela devient une crise au sommet de l'Etat".
Des rumeurs, relayées notamment par le Canard enchaîné, attribuent la longue attente du remaniement à un désaccord entre Emmanuel Macron et Edouard Philippe sur le choix du futur ministre de l'Intérieur. "Le fait nouveau, c'est la mésentente entre le président et le Premier ministre", a aussi estimé mercredi le centriste Jean-Christophe Lagarde.
Hypothèse balayée à l'Assemblée par le chef du gouvernement, qui a démenti qu'il y ait "le début du commencement de la moitié d'une feuille de papier à cigarette" entre le président et lui.
Pour remplacer Gérard Collomb place Beauvau, les noms des ministres Christophe Castaner (Relations avec le Parlement), Jean-Yves Le Drian (Affaires étrangères) ou Gérald Darmanin (Comptes publics) ont été évoqués.
L'exécutif pourrait aussi être tenté de faire confiance à un expert, sur le modèle de Jean-Michel Blanquer à l'Éducation, dont l'assimilation au monde politique est jugée réussie.
Il pourrait aussi réfléchir à un duo, entre Christophe Castaner et l'ancien patron de la police nationale Frédéric Péchenard par exemple. "Il faut qu'ils soient compatibles l'un et l'autre", souligne une source syndicale. Mais "l'un et l'autre vont vouloir prendre la lumière", ajoute ce bon connaisseur de Beauvau.
Parmi les sortants possibles, figurent Françoise Nyssen (Culture), Jacques Mézard (Cohésion des Territoires) ou Stéphane Travert (Agriculture). Ce dernier, selon son entourage, pourrait prendre des responsabilités à LREM en cas d'entrée de M. Castaner place Beauvau.
Les centristes du MoDem pourraient récupérer un ou deux portefeuilles, comme Marc Fesneau, leur chef de file à l'Assemblée, pressenti, entre autres, pour l'Agriculture.
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