Une incertitude plane encore sur la poursuite de ce procès, le premier en France pour une fraude d'une telle ampleur, la défense ayant d'emblée porté les débats sur d'âpres points procéduraux et juridiques.
L'audience a été suspendue jusqu'à jeudi, pour laisser le temps au tribunal d'examiner en détail des questions qui pourraient conduire à un report sine die.
L'ambiance était au sourire en début d'après-midi, de petites blagues fusant des rangs de la banque en costume-cravate et escarpins Louboutin, tandis que devant la salle, l'ex-banquier d'UBS Bradley Birkenfeld, qui avait révélé une fraude gigantesque au fisc américain, distribuait son livre, "Le Banquier de Lucifer".
Le ton a viré à l'orage à peine les débats ouverts. L'enjeu est immense pour UBS AG, qui encourt une amende pouvant se monter jusqu'à 5 milliards d'euros, soit la moitié des sommes non déclarées estimées.
La maison-mère comparaît pour "démarchage bancaire illégal" et "blanchiment aggravé de fraude fiscale", sa filiale française pour "complicité" des mêmes délits. Sont également jugés six hauts responsables de la banque en France et en Suisse.
Rupture d'égalité?
Les avocats de la banque se sont succédé à la barre, estimant que les poursuites engagées violaient la Loi fondamentale.
Jean Veil, l'un des avocats d'UBS AG, a concentré son feu sur l'Etat français, voyant dans les poursuites pénales d'une infraction fiscale une "atteinte à la séparation des pouvoirs".
Il s'est indigné que l'Etat vienne aujourd'hui "demander 1,6 milliard à la banque alors que l'administration fiscale n'a pas jugé bon d'engager des poursuites dans cette affaire".
Sur le banc des parties civiles, l'avocat de l'Etat, Xavier Normand-Bodard, a secoué la tête, l'air affligé: "Tout ce qui excessif est insignifiant, a-t-il soufflé. Ce n'est pas en taxant l'Etat français d'opportuniste qu'on réussira à échapper à la justice".
Le procès sera ajourné si les observations des avocats contestant la constitutionnalité des poursuites sont transmises à la Cour de cassation, qui aura elle trois mois pour décider ou non de les envoyer au Conseil constitutionnel.
Si le tribunal rejette ces recours, il restera à examiner des requêtes en nullité avant d'entrer dans le vif du sujet.
Ce procès sera autant celui de la banque que d'une époque, ce temps béni pour les coffres forts suisses où évasion fiscale ne rimait pas avec fraude, avant la vaste offensive lancée dans la foulée de la crise financière mondiale de 2008.
UBS a fait valoir qu'elle avait agi en conformité avec le droit suisse et ne pouvait savoir si ses clients étaient ou non en règle avec le fisc de leur pays.
Pour les juges d'instruction, entre 2004 et 2012, UBS a mis en place "pour ses clients résidents fiscaux français une série de services, procédés ou dispositifs destinés à dissimuler, placer ou convertir sciemment des fonds non déclarés" via notamment "des sociétés off-shores, des trusts ou des fondations".
En clair, le groupe suisse est accusé d'avoir illégalement envoyé ses commerciaux en France pour piocher dans la riche clientèle d'UBS France, repérée lors de réceptions, parties de chasse ou rencontres sportives, et de la convaincre d'ouvrir des comptes non déclarés en Suisse.
Pour masquer les mouvements de capitaux illicites entre les deux pays, la banque est aussi accusée d'avoir mis en place une double comptabilité - les "carnets du lait", utilisés pour comptabiliser des reconnaissances d'affaires dissimulées selon les juges, un simple outil d'évaluation des performances des banquiers selon la défense.
Aux Etats-Unis, accusée d'avoir permis à 20.000 riches clients américains de se soustraire au fisc, UBS avait échappé à un procès en s'acquittant en 2009 d'une amende colossale de 780 millions de dollars. La banque reste dans le viseur de la justice dans plusieurs enquêtes en Europe et dans le cadre du scandale des "Panama Papers".
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