Le Sénat, chargé de donner le feu vert pour les nominations à vie au sein du temple du droit américain, doit voter dans l'après-midi sur la candidature du magistrat de 53 ans.
Sauf coup de théâtre, une courte majorité de sénateurs devraient valider sa nomination. A l'exception d'un élu dans chaque camp, les républicains devraient tous voter pour et les démocrates contre.
Ce scrutin viendra clore plusieurs semaines de luttes politiques acharnées, ponctuées d'accusations d'abus sexuel, qui ont passionné et profondément divisé la société américaine.
Le juge devrait prêter serment dans les jours suivants et rejoindre la plus haute juridiction des Etats-Unis, qui vérifie la constitutionnalité des lois et arbitre les conflits les plus épineux de la société américaine (droit à l'avortement, peine de mort, encadrement des armes à feu, mariage homosexuel, protection de l'environnement...)
L'arrivée de ce fervent défenseur des valeurs conservatrices placera les juges progressistes --quatre sur neuf-- en minorité pour des décennies au sein de la haute cour.
Les démocrates et défenseurs des droits civiques se sont donc mobilisés dès sa nomination en juillet pour tenter d'empêcher sa confirmation, avec des campagnes médiatiques ou des manifestations, particulièrement ciblées sur les sénateurs modérés.
"Rien" dans le rapport
Malgré leurs efforts, Brett Kavanaugh, un brillant magistrat, était en bonne voie pour être confirmé quand une femme est sortie de l'ombre mi-septembre et l'a accusé d'une tentative de viol remontant à une soirée entre lycéens en 1982.
Ces affirmations ont fait l'effet d'un coup de tonnerre dans un pays sensibilisé à la question des violences sexuelles depuis la dénonciation du producteur Harvey Weinstein et de dizaines d'hommes de pouvoir dans le sillage du mouvement #MeToo.
Lors d'une audition au Sénat suivie par vingt millions d'Américains, Christine Blasey Ford, une universitaire de 51 ans, s'est dite sûre "à 100%" d'avoir été agressée par le jeune Kavanaugh alors qu'elle n'avait que 15 ans et lui 17.
En colère, le magistrat s'est dit dans la foulée tout aussi certain de son innocence et s'est posé en victime d'une campagne de dénigrement orchestrée par l'extrême gauche.
Confronté à deux vérités irréconciliables, le Sénat avait, sous la pression d'élus indécis, demandé un complément d'enquête à la police fédérale (FBI), qui a rendu sa copie mercredi soir.
Le rapport a conforté les républicains, qui n'y ont "rien" trouvé de compromettant. Ils ont donc immédiatement enclenché la phase finale du processus de confirmation.
Les avocats de Mme Ford ont pour leur part estimé que le complément d'enquête n'était pas satisfaisant. "Une enquête du FBI qui ne comportait pas d'entretiens avec le Dr Ford et avec le juge Kavanaugh n'est pas une enquête significative", ont-ils déclaré dans un communiqué.
"Pas le bon homme"
Vendredi, les sénateurs ont, lors d'un vote de procédure, décidé de clore leurs débats et ont révélé par la même occasion leur décision.
Or, sur les quatre élus ayant jusque-là réservé leur position, trois --les républicains Jeff Flake et Susan Collins, ainsi que le démocrate Joe Manchin-- ont fait savoir qu'ils allaient voter pour le juge Kavanaugh, faisant basculer la balance en sa faveur.
Dans le camp présidentiel, seule Lisa Murkowski a l'intention de faire défection. "Brett Kavanaugh n'est pas le bon homme pour la Cour en ce moment", a-t-elle expliqué à la presse.
Vendredi soir, elle a déclaré au Sénat: "Mon espoir est que (le juge Kavanaugh) sera un arbitre neutre (...) qu'il sera cette force de stabilité".
Susan Collins a justifié son choix dans un long discours devant ses collègues, estimant ne pas disposer d'assez d'éléments pour corroborer les allégations de Mme Ford. Il ne faut pas en conclure que le Sénat ne prend pas au sérieux la question des violences sexuelles, s'est-elle empressée d'ajouter.
L'organisation féministe Equalitu Now n'a pas été convaincue. "Si le Sénat confirme Kavanaugh, cela va envoyer un message clair et démoralisant aux Américains: si vous êtes agressé sexuellement, il vaut mieux rester silencieux", a-t-elle estimé.
Reste à voir l'impact de ce vote sur les élections parlementaires du 6 novembre: va-t-il pousser les femmes à voter pour les démocrates? Les conservateurs vont-ils vouloir remercier les républicains ou vont-ils se démobiliser maintenant que leur demande est satisfaite? Réponse dans un mois.
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