A l'heure où les institutions courtisent les foules adeptes d'Instagram et sont souvent pleines à craquer, Glenstone a pris soin d'imaginer une mise en scène prenant l'exact contre-pied.
Les chants des oiseaux et des criquets donnent le ton dès le chemin de gravier menant, à travers un paysage vallonné, du parking au nouveau bâtiment -- qui a coûté 200 millions d'euros.
En surplomb, "Split Rocker", l'immense sculpture couverte de centaines de fleurs du célèbre artiste Jeff Koons, regarde depuis le haut d'une colline vers les 11 nouveaux pavillons interconnectés de 19.000 mètres carrés, construits sur un ancien terrain de chasse à courre de 93 hectares.
Une étendue d'eau abritant des plantes aquatiques, entourée de murs en verre, constitue le centre de ce bâtiment en béton gris pâle, conçu par Thomas Phifer et baigné de lumière naturelle.
"Tout est calibré de façon extrêmement précise pour permettre de prolonger cette expérience", explique Emily Rales, 42 ans, qui a créé Glenstone avec son mari Mitchell, un industriel milliardaire de 62 ans.
Leur "quête personnelle"? "Créer ces moments de calme, lors desquels vous pouvez réellement vous asseoir face à une oeuvre d'art sans se sentir bousculé ou pressé d'avancer", a-t-elle décrit dans une interview à l'AFP.
L'expérience créée par ce décor, qui est aussi le jardin de ses fondateurs - exonéré d'impôts - est différente à chaque saison.
La collection d'oeuvres post Seconde Guerre mondiale de Glenstone est considérée comme l'une des meilleures au monde, avec des créations de Louise Bourgeois, Jackson Pollock, Mark Rothko, ou Richard Serra, dont deux sculptures en acier sont exposées.
Au contraire de la plupart des autres musées, on n'y trouve pas de textes didactiques sur les murs et certaines salles ne comportent qu'une seule oeuvre.
"Là pour vous"
La majestueuse peinture de Brice Marden, "Moss Sutra with the Seasons" (2010-2015) - son seul travail réalisé sur commande - trône par exemple dans une pièce qui a été pensée en collaboration avec l'artiste.
Elle est composée de quatre panneaux monochromes, inspirés des quatre saisons.
Sous une verrière, "Moon Landing" (alunissage), trois grandes toiles noires d'On Kawara, sont exposées. Sur chacune d'elles est inscrite l'une des trois dates de la mission Apollo 11, en juillet 1969 quand l'homme a marché pour la première fois sur la Lune.
"Nous avons fait cette promesse aux artistes, en leur disant, +nous savons que ce que vous demandez est immense et difficile à faire, mais nous sommes là pour vous et nous ferons tout ce que nous pourrons pour réaliser cette vision+", a expliqué Emily Rales, qui dirigeait auparavant la Gladstone Gallery à New York.
"C'est très important pour un artiste aujourd'hui", a-t-elle ajouté.
Ainsi, 70 réunions se sont tenues avec Robert Gober et son studio à propos de son installation "Untitled" (sans titre) de 1992, constituée de grands lavabos aux robinets ouverts, d'une fenêtre avec des barreaux et de piles de journaux, le tout contre un grand papier peint représentant une forêt.
Oeuvres "stimulantes"
La devise de Glenstone est de ne présenter que des oeuvres considérées par les fondateurs du musée comme "stimulantes".
La plus grande salle emmène le visiteur en voyage au coeur de l'histoire de l'art, de 1943 à 1989, à travers 65 créations de 52 artistes, à la renommée pas toujours établie.
Beaucoup sont des femmes, et leurs oeuvres vont de l'expressionnisme abstrait au mouvement japonais Gutaï, au néo-concret brésilien, à l'italien Arte Povera, ou encore au minimalisme.
Dans une aile séparée, les visiteurs peuvent s'asseoir sur une banquette invitant à la contemplation de la nature.
Glenstone est ouvert depuis 2006, mais n'a reçu que 10.000 visiteurs durant ses sept premières années, au sein d'un bâtiment beaucoup plus petit conçu par l'architecte Charles Gwathmey.
Le musée pourra désormais accueillir 100.000 personnes par an, même s'il compte pour le moment limiter le nombre de visiteurs à 400 par jour.
La construction de l'extension a rencontré de nombreuses difficultés. L'entreprise qui a supervisé les travaux a engagé une action en justice, réclamant 24 millions de dollars pour les nombreux changements ayant causé des retards et l'exposition des coûts.
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