Pendant plusieurs semaines, des quartiers entiers de la mégapole revenue en 1997 dans le giron chinois avaient été paralysés par les campements de manifestants réclamant des réformes politiques.
Des photos de certains des milliers de dessins, affiches, banderoles, sculptures et caricatures qui avaient orné les murs, les ponts et les abords des routes ont été rassemblées en ligne et dans des archives de bibliothèques.
Mais les oeuvres originales sont largement invisibles: certains pensent qu'il est plus sage de les envoyer à l'étranger, compte tenu de l'emprise croissante de Pékin et des craintes pour la liberté d'expression du territoire semi-autonome, où un parti indépendantiste vient d'être interdit.
Fong So figure parmi les dizaines d'artistes hongkongais inspirés par la révolte, qui doit son nom aux parapluies brandis par les manifestants pour se protéger des gaz lacrymogènes des forces de l'ordre le 28 septembre 2014.
Son oeuvre est visible au British Museum dans le cadre de l'exposition "I Object" ("Je proteste"). Il a donné au musée toute sa série de dessins, soit une centaine.
"Raconter"
"Je considère cette collection de dessins comme le témoignage d'un pan de l'histoire contemporaine. C'est bien de la voir entrer dans un musée", explique Fong So à l'AFP.
Pour lui, la situation politique à Hong Kong est "de plus en plus suffocante". Il prévoit d'envoyer à l'étranger d'autres oeuvres politiquement sensibles.
Alvin Wong, fondateur du groupe hongkongais Urban Sketchers, a rassemblé les centaines de croquis et peintures de 31 artistes dans un livre publié en 2015 et intitulé "Dessins sous un parapluie".
"Tous appartiennent au peuple de Hong Kong. Nous ne devons pas les conserver dans nos propres cahiers à dessin. Nous devons raconter à tout le monde ce que nous avons vu", dit-il à l'AFP.
Il a envoyé des exemplaires de l'ouvrage à des bibliothèques du monde entier, principalement aux Etats-Unis, expliquant que seule une poignée de librairies hongkongaises ont accepté de le stocker.
Les ouvrages politiquement sensibles s'évanouissent petit à petit des rayons, en particulier depuis la disparition en 2015 de cinq libraires connus pour leurs livres salaces sur les dirigeants politiques chinois. Ces libraires avaient refait surface en détention en Chine.
Où est "L'homme parapluie"?
Juste après la révolte des parapluies, les oeuvres d'art et les souvenirs avaient été exposés à Hong Kong. Mais aujourd'hui, la plus grosse partie est stockée par la bibliothèque de l'Université chinoise de Hong Kong (UCHK) et le public ne peut y avoir accès que sous forme de catalogue numérique.
La majorité des pièces ont été données par des artistes et militants qui les ont récupérées dans les campements, créant l'Archive visuelle du Mouvement des parapluies. On y trouve des slogans rédigés à la hâte sur des bannières, des bijoux, des cerfs-volants, des sculptures, qui montrent que les gens ordinaires, pas seulement les artistes, ont apporté leur pierre au mouvement.
Mais on ignore où se trouvent certaines pièces majeures, dont "L'homme parapluie", une statue en bois de 3,6 mètres de haut.
Sampson Wong, co-fondateur de l'Archive visuelle, explique que les artistes ont remis leurs collections au groupe car ils n'avaient pas les moyens financiers ou humains de les préserver.
La bibliothèque est "une institution fiable", déclare-t-il à l'AFP. "Elle préserve une part du mouvement qui risque d'être ignorée dans quelques années".
Les collections de photos en ligne comme la page Facebook "Umbrella Movement Art Preservation" de l'artiste hongkongaise Kacey Wong fournissent également une ressource collective.
La révolte avait échoué à obtenir la moindre réforme de Pékin. Le camp démocrate est aujourd'hui déstabilisé et certains militants n'ont aucune envie d'exposer les oeuvres en public.
"Le monde entier"
Clarisse Yeung, co-fondatrice de l'Archive visuelle, raconte que certains préfèrent garder pour eux leur collection alors que nombre de Hongkongais s'inquiètent de l'érosion des libertés.
Mais certains pensent que les oeuvres doivent être montrées au public.
Oscar Ho, professeur de management culturel à l'UCHK, juge que le nouveau complexe artistique M+, créé grâce à des financements publics, doit leur consacrer une galerie.
"On dirait que le monde entier s'y intéresse sauf les institutions de Hong Kong", dit M. Ho, qui a donné moult conférences à l'étranger sur l'art du Mouvement des parapluies.
M+ affirme à l'AFP être en train "d'évaluer avec soin ce passé récent" et ne pas envisager pour l'heure d'exposer des oeuvres du mouvement.
L'universitaire hongkongais Dan Tsang, qui étudie l'archivage de la culture de la contestation, a peur que les pièces qui n'ont pas encore été réunies par le public ne soient jetées ou partent ailleurs.
"Je crois que les gens aiment voir en vrai et toucher l'art, ce n'est pas pareil de regarder une image numérique sur son ordinateur ou son téléphone".
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