"Force est de constater que l'activité spatiale n'a pas eu les effets d'entraînement escomptés sur la collectivité d'outre-mer", commente pour l'AFP le député guyanais Gabriel Serville (GDR), qui juge "anormal" que les activités du Centre spatial guyanais (CSG) de Kourou "ne soient pas mieux insérées dans leur écosystème direct."
Le CSG, symbole pour de nombreux Guyanais des inégalités du territoire, avait été bloqué tout au long du fort mouvement social de mars-avril 2017, maintenant la fusée au sol. La population réclamait alors un "rattrapage" économique avec la métropole.
En 1997, vingt ans après le début de l'aventure spatiale européenne à Kourou, le rappeur guyanais Freaky Fan chantait : "La fusée décolle mais la Guyane reste au sol !". La ritournelle, aujourd'hui encore, traduit un sentiment largement répandu sur le territoire.
Bruno Apouyou, 1er vice-président du Grand conseil coutumier de Guyane, reconnaît certes que "l'aventure spatiale contribue à fournir du travail". Avec 1.700 emplois directs et plus de 7.000 emplois indirects, le centre spatial est le premier employeur privé en Guyane (25% des emplois privés, 17% du produit intérieur brut de la Guyane, estimé à un peu plus de 4 milliards d'euros). Le taux de chômage du territoire s'établit à 22%.
Mais le chef coutumier regrette le décalage entre la technologie déployée à Kourou et l'enclavement numérique du reste du "péyi": "Dans l'intérieur, pour le téléphone il faut parfois passer par le Suriname".
La Cour des comptes notait en 2014 que “la Guyane pallie la faiblesse de sa démographie médicale par des réseaux ou expérimentations de consultation à distance, mais le débit insuffisant des accès y demeure un handicap", dans ce territoire où un habitant sur cinq vit à plus de trois heures de trajet d'un centre hospitalier. Traduction concrète de M. Apouyou : "On pourrait avoir la télémédecine" dans les centres de santé de l'intérieur du territoire si le réseau était meilleur.
"chaire spatiale"
Depuis longtemps, élus et citoyens guyanais souhaitent que la filière spatiale (Arianespace, l'Agence spatiale européenne-ESA et le CNES) ne bénéficie plus de dispositions fiscales dérogatoires, pour mieux contribuer aux finances du territoire.
"Un alourdissement de la fiscalité locale procurerait un surcroît de recettes modeste (entre 1 et 4 M EUR) au regard de ses effets sur la compétitivité d'acteurs aujourd'hui soumis à une très forte pression concurrentielle", a rejeté le gouvernement en décembre.
La filière spatiale "mène depuis longtemps des actions en faveur du territoire et de la population", mais "il est temps d'aller plus loin" avait cependant reconnu en décembre 2017 Frédérique Vidal, ministre de la Recherche et de l'Innovation, en annonçant un plan pour que la filière spatiale "contribue davantage" au développement économique du territoire.
Le centre spatial, dont le budget est de 200 millions d'euros par an, a ainsi augmenté de 10 M EUR sa contribution locale pour la porter à 50 M EUR sur 2014-2020. Dans cette contribution, se trouvent des aides aux communes, des "mesures de réparation liées à l'implantation du CSG" ou encore des aides à l'aménagement du territoire (route, etc.).
"La plus récente traduction de cette contribution renforcée est la signature de deux conventions dans les domaines de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche", a précisé le Centre national des études spatiales (CNES) à l'AFP. Concrètement, il aide à développer des infrastructures et équipements de laboratoire pour l'université de Guyane, met en place "une chaire spatiale" et prend en charge des bourses pour les étudiants, doctorants et apprentis.
Le CNES s'est aussi engagé à réserver un tiers des marchés aux petites et moyennes entreprises (PME) locales dans le cadre du programme Ariane 6.
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