"Le candidat du Parti démocratique maldivien (...) l'Honorable Solih a gagné l'élection, en ayant reçu 134.616 voix", a acté le ministère des Affaires étrangères maldivien dans un communiqué. Les médias d'État reprenaient également ce résultat.
Plus de quinze heures après la fermeture des bureaux de vote, le président Yameen ne s'était cependant toujours pas exprimé personnellement. Un silence qui suscite nombre de spéculations sur la voie que choisira cet habitué des coups de force.
"Les informations qui nous parviennent indiquent qu'il pourrait saisir la Cour suprême pour faire annuler les résultats, déclarer l'état d'urgence et rester au pouvoir", déclarait plus tôt à l'AFP un responsable du PDM.
Le chef de l'État sortant semblait pourtant avoir le champ libre pour décrocher un second mandat. En cinq ans de pouvoir, il a mené une répression féroce de toute dissidence, muselé société civile et médias.
Malgré tout cela, le challenger Ibrahim Mohamed Solih, peu connu des électeurs, a obtenu dimanche 58,3% des voix face à lui, selon des résultats provisoires de la commission électorale maldivienne.
Les partisans du Parti démocratique maldivien (PDM) ont fêté la nouvelle à travers l'archipel de l'océan Indien en agitant les drapeaux jaunes de la formation politique et en dansant dans les rues.
Puissance régionale traditionnelle, qui a vu d'un mauvais œil le rapprochement des Maldives avec la Chine sous le mandat d'Abdulla Yameen, l'Inde a "félicité de tout cœur" le candidat de l'opposition. Les États-Unis ont appelé au "calme et au respect de la volonté du peuple".
Le taux de participation parmi les 262.000 électeurs, pour plus de 340.000 habitants, s'est établi 89,2% pour cette troisième élection présidentielle de l'histoire des Maldives. Le résultat final officiel doit être proclamé dans la semaine, le temps d'effectuer un processus de vérification par la commission électorale.
"Il est difficile de deviner ce que va faire M. Yameen. Les résultats semblent massivement contre lui", a déclaré à l'AFP Sreeram Chaulia, doyen de la Jindal School of International Affairs.
"Mais toute tentative de sa part de modifier les résultats en sa faveur et de priver l'opposition de sa victoire endommagerait sérieusement le peu de crédibilité et de légitimité qu'il lui reste", a-t-il estimé.
Maître sans partage
Si les Maldives évoquent lunes de miel et plages paradisiaques dans l'imaginaire du grand public, la situation politique de cette micro-nation d'une vingtaine d'atolls est autrement moins souriante.
Avant le vote, opposition et observateurs internationaux avaient exprimé leur inquiétude de voir le chef de l'État maldivien "voler" le scrutin. La plupart des journalistes étrangers se sont vu refuser l'accès au pays pour couvrir l'élection.
Au début de l'année, mécontent d'une décision de justice qui cassait les condamnations litigieuses d'opposants, M. Yameen était passé en force en imposant 45 jours d'état d'urgence.
Après une série d'arrestations, parmi lesquelles deux juges de la Cour suprême et l'ancien autocrate de l'archipel (1978-2008) Maumoon Abdul Gayoom, M. Yameen avait obtenu de l'instance judiciaire qu'elle revienne sur sa décision.
À son arrivée au pouvoir dans des circonstances controversées, les observateurs des Maldives pensaient que ce bureaucrate sans charisme de 59 ans ne serait qu'un pantin aux mains de son demi-frère Maumoon Abdul Gayoom. Mais depuis 2013, il s'est imposé comme le maître sans partage du pays.
Il a envoyé derrière les barreaux une flopée d'anciens proches tombés en disgrâce et de dissidents. Les autres figures de l'opposition ont dû se résoudre à l'exil, comme l'ex-président Nasheed qui vit entre le Royaume-Uni et le Sri Lanka.
Fustigé pour sa répression par l'Union européenne, les États-Unis et l'Inde, M. Yameen s'est rapproché ces dernières années de la Chine. Celle-ci lui a accordé des centaines de millions de dollars de prêts pour la construction d'infrastructures, des sommes qui représentent pour Pékin un levier d'influence.
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