Le chef de l'État sortant semblait pourtant avoir le champ libre pour décrocher un second mandat. En cinq ans de pouvoir, il a mené une répression féroce de toute dissidence, muselé société civile et médias, et n'a pas hésité à l'occasion à s'imposer par coups de force.
Malgré tout cela, le candidat de la coalition de l'opposition, Ibrahim Mohamed Solih, peu connu des électeurs, a obtenu dimanche 58,3% des voix face à lui, selon des résultats de la commission électorale maldivienne.
Les partisans du Parti démocratique maldivien (PDM) ont fêté la nouvelle à travers l'archipel de l'océan Indien en agitant les drapeaux jaunes de la formation politique et en dansant dans les rues.
Lundi matin pourtant, le président Yameen n'avait toujours pas concédé sa défaite. Un silence radio qui inquiétait dans les rangs de l'opposition, où l'on redoutait qu'il prépare une manœuvre pour se maintenir au pouvoir.
"Les informations qui nous parviennent indiquent qu'il pourrait saisir la Cour suprême pour faire annuler les résultats, déclarer l'état d'urgence et rester au pouvoir", a déclaré à l'AFP un responsable du MDP.
Puissance régionale traditionnelle, qui a vu d'un mauvais œil le rapprochement des Maldives avec la Chine sous le mandat d'Abdulla Yameen l'Inde a "félicité avec cœur" le candidat de l'opposition. Les États-Unis ont appelé au "calme et au respect de la volonté du peuple".
"J'appelle Yameen à respecter la volonté du peuple et permettre un transfert pacifique du pouvoir", a déclaré M. Solih à la télévision maldivienne.
État d'urgence
Si les Maldives évoquent lunes de miel et plages paradisiaques dans l'imaginaire du grand publique, la situation politique de cette micro-nation d'une vingtaine d'atolls est autrement moins souriante.
Avant le vote, opposition et observateurs internationaux avaient exprimé leur inquiétude de voir le chef de l'État maldivien "voler" le scrutin. La plupart des journalistes étrangers se sont vu refuser l'accès au pays pour couvrir l'élection.
C'était déjà dans des circonstances controversées qu'Abdulla Yameen avait accédé à la présidence en 2013 face à Mohamed Nasheed, premier président démocratiquement élu de l'histoire des Maldives. La Cour suprême avait annulé le premier tour, où M. Nasheed était arrivé en tête, puis repoussé deux fois le vote, laissant le temps à M. Yameen de forger des alliances.
Au début de l'année, mécontent d'une décision de justice qui cassait les condamnations litigieuses d'opposants, M. Yameen était passé en force en imposant 45 jours d'état d'urgence.
Après une série d'arrestations, parmi lesquelles deux juges de la Cour suprême et l'ancien autocrate de l'archipel (1978-2008) Maumoon Abdul Gayoom, M. Yameen avait obtenu de l'instance judiciaire qu'elle revienne sur sa décision.
À son arrivée au pouvoir, les observateurs des Maldives pensaient que ce bureaucrate sans charisme de 59 ans ne serait qu'un pantin aux mains de son demi-frère Maumoon Abdul Gayoom. Mais en cinq ans, il s'est imposé comme le maître sans partage du pays.
Il a envoyé derrière les barreaux une flopée d'anciens proches tombés en disgrâce et de dissidents. Les autres figures de l'opposition ont dû se résoudre à l'exil, comme l'ex-président Mohamed Nasheed qui vit entre le Royaume-Uni et le Sri Lanka.
Fustigé pour sa répression par l'Union européenne, les États-Unis et l'Inde, M. Yameen s'est rapproché ces dernières années de la Chine. Celle-ci lui a accordé des centaines de millions de dollars de prêts pour la construction d'infrastructures, des sommes qui représentent pour Pékin un levier d'influence.
Des enquêtes de médias étrangers ont aussi révélé un vaste système de détournement de fonds publics orchestré par des proches du président, pour des sommes portant sur des dizaines de millions de dollars.
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