Les quelque 12 millions de catholiques chinois -très minoritaires dans ce pays de près de 1,4 milliard d'habitants- étaient déchirés depuis des décennies entre une Eglise "patriotique" contrôlée par le régime communiste et une Eglise clandestine qui ne reconnaissait que l'autorité du pape.
Aux termes de cet accord "préliminaire", le pape François a reconnu sept évêques chinois qui avaient été nommés par Pékin sans son aval, ainsi qu'un huitième évêque à titre posthume. Ils avait été excommuniés de facto.
"Certains fidèles et prêtres l'acceptent, d'autres ne peuvent pas comprendre parce qu'ils restent méfiants envers le parti communiste et le gouvernement chinois. Ils doutent de leur sincérité", a confié samedi à l'AFP un prêtre de l'Eglise clandestine, dans la province de Hebei (nord de la Chine), s'exprimant sous couvert d'anonymat.
Magdalene, présente à une messe samedi soir dans une cathédrale de Pékin, n'était pas encore au courant de l'accord. "Nous prions pour le mieux", a-t-elle glissé.
"Tout ce qui rend l'Eglise en Chine plus forte et plus unie est une bonne chose", a pour sa part réagi devant la cathédrale de Shanghaï, M. Gui, accompagné de son épouse et ses deux enfants. "Nous jouissons de la liberté religieuse en Chine", a-t-il assuré.
L'accord pourrait essuyer des critiques, car il coïncide paradoxalement avec une campagne de destruction d'églises chrétiennes dans certaines régions chinoises. En Chine, la Bible a par exemple été retirée des sites de vente en ligne et des prêtres catholiques "clandestins" ont encore récemment été arrêtés puis relâchés.
Le pacte intervient aussi au plus fort des tensions commerciales entre le régime chinois et le président américain Donald Trump, qui pourrait en prendre ombrage.
Le Saint-Siège, qui n'a pas divulgué samedi le texte de l'accord, a évité de détailler le futur processus de nomination des nouveaux évêques qui devrait donner le dernier mot au pape.
Il ne précise pas explicitement si Pékin a d'ores et déjà reconnu de son côté certains évêques chinois qui avaient été nommés unilatéralement par le Saint-Siège.
"Le début" d'un processus
"L'objectif de l'accord n'est pas politique mais pastoral, permettant aux fidèles d'avoir des évêques en communion avec Rome, mais en même temps reconnus par les autorités chinoises", a toutefois déclaré le porte-parole du Vatican, Greg Burke.
"Ceci n'est pas la fin d'un processus, c'est le début", a-t-il insisté depuis Vilnius où le pape est arrivé samedi pour un voyage de quatre jours dans les pays baltes, grandement éclipsé à l'international par cette annonce historique concomitante.
Le Saint-Siège avait relancé depuis plus de trois ans ces interminables négociations entamées dès les années 1980 pour unifier l'Eglise.
Le pape François souhaite que l'accord provisoire mène à "des gestes concrets fraternels de réconciliation" afin de dépasser "les tensions passées et même les récentes", a commenté le numéro deux du Vatican, Pietro Parolin, l'un des grands artisans de l'accord.
Désormais, la Chine et le Vatican "vont continuer à maintenir la communication et à poursuivre l'amélioration des relations bilatérales", a assuré de son côté le ministère chinois des Affaires étrangères.
L'accord "préliminaire" porte uniquement sur la religion et non pas sur l'établissement de relations diplomatiques entre Pékin et le Saint-Siège, rompues en 1951, deux ans après l'arrivée au pouvoir des communistes.
Le gouvernement de l'île de Taïwan, dirigée par un régime rival de Pékin depuis 1949, a pour sa part assuré samedi que cet accord n'aurait aucune conséquence sur ses relations diplomatiques avec le Saint-Siège.
"Un pas naïf pour le Vatican"
Le Saint-Siège, son seul allié diplomatique en Europe, fait en effet partie des 17 derniers Etats du globe qui reconnaissent le gouvernement de Taïwan.
La Chine populaire revendique âprement la souveraineté de l'île et intensifie actuellement ses efforts pour "récupérer" ces rares Etats gardant des liens diplomatiques avec Taïwan.
Pour Francesco Sisci, un chercheur italien qui réalise à Pékin des études pour le gouvernement chinois, la liberté religieuse n'y est certes pas comparable avec l'Europe mais "la normalisation entre le Vatican et la Chine devrait contribuer à une amélioration". A minima, "cela ne peut pas faire de mal", a-t-il commenté à l'AFP, en soulignant que l'Eglise souterraine suivra la décision du pape François.
Jonathan Sullivan, directeur de China Programs, de l'institut de recherche sur l'Asie à l'Université de Nottingham, est beaucoup plus critique.
"C'est un pas stratégique pour la Chine et un pas naïf pour le Vatican. Le parti communiste va se servir de l'accord comme un blanc seing du Vatican à l'Eglise contrôlée par l'Etat, au moment où les croyants font face à une sévère répression de leurs croyances et pratiques religieuses", a-t-il assené.
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