La mort de Samim Faramarz et Ramiz Ahmadi le 5 septembre dernier porte à 13 le nombre de journalistes tués cette année en Afghanistan, devenu en 2018, selon Reporters sans frontières (RSF), le pays le plus meurtrier au monde pour les médias.
Elle force également les rédactions à relancer un vieux débat: comment informer dans un environnement aussi dangereux.
"Quand nous quittons nos maisons, nous ne savons pas si nous reviendrons vivants", déclare à l'AFP Hamid Haidary, journaliste de la chaîne 1TV, dont les photos de confrères décédés trônent au-dessus de son bureau.
Hamid Haidary s'était lui aussi rendu sur les lieux de l'explosion qui a coûté la vie aux deux journalistes de ToloNews, une des deux chaînes d'information en continu du pays. Mais, plus chanceux, il était retourné à son bureau quelques minutes avant le deuxième attentat.
"C'en est déjà trop pour nous", se désole Lotfullah Najafizada, directeur de ToloNews, le plus grand radiodiffuseur privé d'Afghanistan.
Les conditions de sécurité se détériorant d'année en année, la peur et l'anxiété sont de plus en plus présentes, reconnaît-il.
"Le danger n'est pas seulement sur le lieu de l'explosion mais également lorsqu'il s'agit de se déplacer dans une province, de simplement venir au bureau ou même d'être au bureau. Les risques sont partout", dit-il.
Zones interdites d'accès
Selon RSF, quelque 60 journalistes et employés de presse ont été tués en Afghanistan depuis l'invasion américaine de 2001 qui a mis fin au régime taliban et a permis l'éclosion d'une industrie de médias indépendants.
Un centre de soutien aux médias en Afghanistan, le NAI, avance un bilan de 95 décès.
Mais le départ des troupes de combat de l'Otan fin 2014 a marqué le début d'une dégradation brutale de la sécurité, avec la multiplication d'attaques talibanes et l'arrivée dans le pays du groupe Etat islamique (EI).
En quatre ans, 39 journalistes et employés de presse ont été tués selon RSF et les médias ont été contraints de réduire la couverture des champs de bataille, de nombreuses zones étant interdites d'accès.
Les attentats-suicides dans les centres urbains, en particulier à Kaboul, sont alors devenus l'une des priorités des médias afghans, les journalistes se précipitant pour être les premiers sur les lieux.
Un double attentat à la bombe dans la capitale afghane le 30 avril revendiqué par l'EI a changé la donne.
Neuf journalistes, dont le chef photographe de l'AFP Shah Marai, y ont perdu la vie, le bilan le plus lourd pour la profession depuis la chute du régime taliban.
Moins de trois mois plus tard, un chauffeur de l'AFP, Mohammad Akhtar, périssait dans un nouvel attentat-suicide.
Y aller ou pas
Ces décès forcent les médias à s'interroger sur leurs mesures de sécurité, d'autant que le pays se prépare à un regain de violence avec la tenue d'élections législatives en octobre.
Gouvernement et forces de sécurité sont tenus en grande partie responsables de ces morts pour ne pas avoir su les protéger. Mais les rédactions ont également été critiquées pour avoir mis leur personnel en danger.
"Perdre des journalistes dans des événements similaires et ne pas tirer les leçons des erreurs commises est une mauvaise gestion tant de la part des médias que du gouvernement", affirme Sayed Ikram Afzali, directeur exécutif de l'ONG afghane Integrity Watch.
Mais ne pas couvrir les attentats-suicides "serait un manque de respect à l'égard des victimes", estime le chef du bureau de la BBC, Shoaib Sharifi qui assure réduire les risques.
La chaîne 1TV, dont plusieurs employés ont péri lors d'attentats, continuera à se rendre sur les lieux d'explosions.
"Les gens méritent de savoir ce qui se passe dans leur pays", déclare le directeur de l'information Abdullah Khenjani, assurant cependant ne plus chercher à être les premiers sur les lieux.
La position par défaut du New York Times est "on n'y va pas... à moins qu'il y ait une raison exceptionnelle d'y aller", explique le chef du bureau à Kaboul, Rod Nordland. "Mais dans la majorité des cas nous estimons qu'il n'y a pas de raison exceptionnelle".
Le quotidien américain préfère se rendre dans les hôpitaux ou auprès des familles des victimes pour montrer les souffrances humaines causées par de telles attaques.
L'Agence France-presse a adopté les mêmes règles.
"Le risque d'être frappé par un deuxième attentat est supérieur à la valeur journalistique des images d'un attentat", estime Rod Nordland.
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