Le chef de l'Etat avait reconnu le 13 septembre que Maurice Audin, mathématicien communiste, militant de l'indépendance de l'Algérie, torturé par l'armée française et disparu sans laisser de traces en 1957, était bien "mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France". Il avait demandé "pardon" à la veuve de Maurice Audin.
Une semaine plus tard, il tend cette fois-ci la main aux harkis, ces anciens supplétifs de l'armée française pendant la guerre d'Algérie (1954-1962), à quelques jours de la Journée nationale d'hommage du 25 septembre. Mais aussi au moment où ceux-ci tapent du poing sur la table. Début septembre, ils rappelaient leur soutien au candidat Macron en 2017, menaçant, pour obtenir réparation, de porter plainte contre la France pour crimes contre l'humanité devant les tribunaux internationaux.
Par décret du 20 septembre paru au Journal officiel vendredi, six anciens combattants harkis et la cofondatrice d'une association de harkis deviennent chevaliers de la Légion d'honneur.
Quatre personnes sont en outre élevées au grade d'officier de l'ordre national du Mérite et quinze autres au grade de chevalier du même ordre, majoritairement représentantes d'associations ou fédérations. Onze vont recevoir la médaille militaire.
"Bien sûr, une décoration ça fait toujours plaisir et honneur", a réagi Boaza Gasmi, président du Comité national de liaison des harkis (CNLH). Mais, ajoute-t-il sur France Info, "notre combat, pour être franc, c'est une vraie reconnaissance et une vraie réparation".
"Nous méritons le pardon", a-t-il affirmé.
"Aujourd'hui le plus jeune harki a 80 ans. C'est un peu tard".Il aurait fallu, selon lui, que les harkis soient insérés dans la vie sociale de façon à pouvoir réussir et éviter "la souffrance (...) sur trois ou quatre générations".
Ce comité réclame également "une véritable loi qui reconnaisse que la France de l'époque a volontairement abandonné la communauté harkie" en Algérie en 1962, alors que le groupe de travail a préconisé une simple résolution parlementaire.
Considérés comme des traîtres
Sur les quelque 150.000 Algériens recrutés par l'armée française comme auxiliaires durant la guerre d'Algérie, environ 60.000 sont parvenus à partir pour la métropole avec les pieds-noirs.
Mais cet accueil s'était fait dans des conditions précaires (camps, hameaux de forestage et cités urbaines), sans réelles perspectives d'intégration pour eux-mêmes ni leurs enfants.
Les autres - entre 55.000 et 75.000 selon les historiens - sont livrés à leur sort en Algérie et, considérés comme des traîtres par le nouveau régime, victimes de sanglantes représailles.
Un groupe de travail lancé à l'initiative du chef de l'État a préconisé en juillet dans son rapport final de créer un "fonds de réparation et de solidarité" de 40 millions d'euros pour les harkis et leurs enfants. Un montant toutefois très loin des attentes des associations: elles réclament entre 4 et 40 milliards d'euros font pression sur l'Etat.
Le geste d'Emmanuel Macron intervient après celui de François Hollande en 2016, qui avait reconnu "les responsabilités" de la France dans "l'abandon" des harkis, au cours d'une journée d'hommage du 25 septembre qui avait alors pris des allures de pré-campagne électorale, à sept mois de l'élection présidentielle de 2017.
Parmi les premières réactions, le député Eric Coquerel (La France insoumise) a salué le "geste", mais déploré une sorte de "concurrence des mémoires" qui serait actionnée par l'exécutif.
A l'extrême droite, Sébastien Chenu, porte-parole du Rassemblement national, a estimé sur France 2 que "les victimes des guerres méritent bien souvent autre chose que des pansements".
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