Une vingtaine de monuments gigantesques avaient alors été démontés et réédifiés à l'abri des eaux dans le cadre de la "Campagne de Nubie", une vaste entreprise de sauvegarde de sites archéologiques en amont du Nil qui avait monopolisé de très nombreux archéologues.
Construits par Ramsès II
Les deux temples d'Abou Simbel, taillés dans le rocher sur une colline surplombant le Nil, en Haute-Egypte, ont été construits par Ramsès II, qui régna sur l'Egypte de 1298 à 1235 avant J.C. et dédiés à Osiris et Isis.
Le plus grand, derrière sa façade de 32 mètres de haut ornée de quatre statues colossales du pharaon, qui le représentent assis, s'enfonce en une enfilade de salles et de galeries sur 63 mètres de profondeur.
Abou Simbel constitue l'un des joyaux de l'ancienne Nubie, dont les frontières s'étendaient le long du Nil, partageant son territoire entre l'Égypte et le Soudan actuels.
Menacés par le Nil
Dans les années 1950, l'Egypte vit la révolution nassérienne. Le projet de Haut barrage d'Assouan (sud) est lancé par Gamal Abdel Nasser pour fournir l'énergie électrique indispensable à la région, augmenter les surfaces cultivables et réduire les crues du Nil.
Mais le projet fait peser des menaces sur les monuments de Nubie, puisque sa mise en oeuvre doit entraîner la formation d'un immense lac artificiel, le lac Nasser.
De nombreux temples et chapelles pharaoniques et gréco-romains, dont les temples d'Abou Simbel, sont menacés d'être définitivement engloutis.
La construction du grand barrage, qui sera inauguré en janvier 1971, provoquera aussi un important transfert de la population nubienne.
Une prouesse technique
En mars 1960, l'Unesco lance un appel pour sauver les temples. Plusieurs projets sont proposés, tel le projet français consistant à enfermer les temples, intacts, dans une sorte de cuve de béton flottante. Mais trop coûteux, ils sont vite abandonnés.
Finalement, c'est la proposition suédo-égyptienne qui est retenue.
Commencée le 1er avril 1964 par la construction d'un batardeau pour protéger le chantier contre la montée des eaux, l'opération se poursuit par l'excavation de la falaise autour des deux temples. Abou Simbel est découpé en 1.035 blocs pesant chacun de 20 à 30 tonnes. Les quatre colosses assis et les six autres debout sont sciés en morceaux.
Des vérins, des grues, des treuils d'une exceptionnelle puissance sont utilisés pour élever ces énormes masses jusqu'à 64 mètres de hauteur et regrouper les blocs de façon à reconstituer exactement les deux temples au sommet de la falaise.
Des collines artificielles sont ensuite construites pour entourer et coiffer les sanctuaires.
Solidarité internationale
Le 22 septembre 1968, une cérémonie officielle marque la fin de la campagne de sauvetage d'Abou Simbel. Le lac Nasser recouvre entièrement l'ancien emplacement.
Huit cents ouvriers et une centaine de techniciens ont travaillé quatre ans, en plein désert, sous un soleil de feu. L'opération, à laquelle ont collaboré une cinquantaine de pays, a coûté 36 millions de dollars.
"C'est la première fois qu'un mouvement de coopération internationale de cette ampleur se déploie dans le domaine de la culture", déclare le directeur général de l'Unesco, René Maheu.
Les temples de Nubie sauvés
En août 1972 débutent les travaux pour sauver des eaux le temple de Philae, à une dizaine de kilomètres en amont d'Assouan, dernière étape de la campagne de Nubie.
L'opération, à laquelle participent quarante missions d'archéologues venues de tous les continents, est contrôlée par le service des Antiquités égyptiennes. Elle va durer huit ans et coûter plus de 30 millions de dollars.
Une vingtaine de temples, statues géantes et monuments divers sont démontés, transportés pierre par pierre, puis érigés sur des emplacements nouveaux.
Le 10 mars 1980, le succès de cette vaste entreprise est solennellement célébré. La manifestation couronne aussi la dernière phase de l'entreprise: le transfert des temples de l'île de Philae, "la perle du Nil", qui allait être engloutie, sur l'île voisine d'Agilkia.
"Nulle part, peut-être, l'art sacré de l'Egypte n'a plus majestueusement défié le temps, que dans cette Nubie dont une partie disparaît aujourd'hui", se félicite Amadou Mahtar M'Bow, à la tête de l'Unesco de 1974 à 1987.
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