En conseillant ce week-end à un jeune horticulteur au chômage de chercher un emploi dans les cafés-restaurants, en manque de bras, Emmanuel Macron a interpellé les spécialistes de la santé, proches du monde du travail.
Le conseil n'est pas anodin et laisse entendre que les aspirations professionnelles personnelles peuvent passer après l'accès au travail, quel qu'il soit.
Le discours du président de la République renvoie à l'idée que le "chômeur est responsable du chômage", analyse le sociologue Vincent de Gaulejac. "C'est paradoxal, car d'un côté la société célèbre les motivations individuelles et de l'autre, on n'a pas le droit de faire de l'horticulture, de l'histoire de l'art ou d'autres métiers (...): il faut s'adapter au marché du travail", constate-t-il.
L'idée d'ajustement au réalité du marché de l'emploi "n'est pas injuste en soi" et peut exiger d'accepter un autre emploi, de manière provisoire, reconnaissent des professionnels de la santé au travail.
Mais il ne faut pas abandonner ses aspirations pour autant: il est "important que l'individu s'inscrive dans une logique d'insertion professionnelle durable en termes de motivation, de projet, de salaire", souligne Xavier Alas Luquetas, psychothérapeute et dirigeant du cabinet Eleas, spécialisé dans les risques psychosociaux et la qualité de vie au travail.
"Il n'a donc pas intérêt à abdiquer trop vite ses aspirations", ajoute-t-il, mettant en avant les risques de tensions au travail, de stress en cas de décalage entre les attentes professionnelles d'un travailleur et ce qu'il fait réellement.
"Belles surprises"
Pour Bernard Salengro, président du Syndicat des médecins du travail, la problématique du déclassement ou reclassement professionnel est "très complexe".
A un moment où le taux de chômage est à 9,1%, avec en moyenne 2,7 millions de chômeurs au 2e trimestre, selon l'Insee, "combien de gens font le métier qu'ils avaient réellement envie de faire? Et puis, il y a une réalité économique qui fait que si on veut être sculpteur en bois ou bourrelier, on n'est pas sûr de trouver" un emploi dans sa spécialité, ajoute-t-il.
Au delà de la question économique, le fait de devoir travailler, par nécessité, dans un secteur qui n'est pas le sien, peut avoir un impact direct sur "son estime de soi, son moral", souligne-t-il.
Le psychiatre Patrick Legeron, fondateur du cabinet Stimulus et auteur, en 2008, d'un rapport sur le stress au travail, abonde, relevant qu'en général "tout changement est source de stress". Il y a des risques psychosociaux si un individu "s'engage dans un projet qui n'a pas de sens, est peu construit" et lui donne l'impression "qu'il n'a pas les moyens, la formation, les codes" du nouvel emploi.
Certes, des salariés décident du jour au lendemain de changer de métier, mais il s'agit "davantage d'un choix de vie". Or, relève M. Legeron, le stress "est beaucoup moindre lorsqu'il est choisi, et qu'il y a un sentiment de contrôle, que lorsqu'il est subi".
Il n'y a pas d'études sur les changements de métiers subis, selon les spécialistes du secteur. En 2015, un sondage d'Opinionway a montré que quatre salariés français sur dix auraient aimé changer de voie professionnelle ou de métier mais n'osaient pas le faire, jugeant un tel changement "trop risqué" aujourd'hui.
Mais s'il fallait choisir, M. Salengro relève que dans un contexte professionnel, du point de vue de la santé, "le pire qui puisse arriver pour une personne, c'est le chômage: une période où les gens sont soumis à une période de stress intense et de sentiment d'échec complet", assure-t-il.
Et "il peut y avoir de belles surprises", fait-il valoir: "Je n'ai jamais voulu être médecin du travail, mais psychiatre. Et finalement j'ai pris mon pied".
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