Déjà poursuivi dans ce dossier depuis 2015 pour "blanchiment de fraude fiscale en bande organisée", l'ancien bras droit de Nicolas Sarkozy est désormais visé par une liste de nouveaux soupçons: "corruption passive", complicité et recel de ce délit, "recel de détournements de fonds publics", et "complicité de financement illégal de campagne électorale", a appris l'AFP de sources judiciaire et proche du dossier.
Ces nouvelles mises en examen lui ont été signifiées le 11 septembre lors d'une nouvelle audition chez les juges d'instruction, après un interrogatoire interrompu le 5 juin.
Soumis à une "cinquantaine de questions", Claude Guéant, qui conteste ces accusations, a fait "valoir son droit au silence", a indiqué à l'AFP son avocat Philippe Bouchez El Ghozi, qui va demander l'annulation de ces mises en examen.
Jusqu'ici, celui qui fut secrétaire général de l'Elysée et ministre de l'Intérieur sous la présidence Sarkozy était mis en cause pour un virement suspect de 500.000 euros sur son compte qu'il avait justifié par la vente de deux tableaux flamands, sans convaincre les enquêteurs.
Les juges soupçonnent désormais Claude Guéant d'avoir participé "à des discussions" avec des collaborateurs de Kadhafi "en vue d'organiser le financement par le régime libyen de la campagne" sarkozyste et d'avoir réceptionné "des fonds versés" par ce régime "dans le cadre d'un pacte de corruption passé avec Nicolas Sarkozy", d'après la conclusion de l'interrogatoire dont a eu connaissance l'AFP. Il est aussi suspecté d'avoir organisé "l'utilisation des fonds dans le cadre de ses activités de directeur de campagne".
"interventions"
Ces nouveaux soupçons contre ce fidèle de Nicolas Sarkozy interviennent alors que ces derniers mois les juges ont accéléré dans leurs investigations avec la mise en examen en mars de l'ancien président pour "corruption passive", "recel de détournements de fonds publics libyens" et "financement illégal de campagne électorale", puis celle d'Eric Woerth en mai pour "complicité" de ce financement en tant que trésorier de la campagne.
Dans ce volet, le trio de magistrats emmené par Serge Tournaire soupçonne un lien entre un possible financement libyen de la campagne présidentielle et la circulation d'espèces au sein du camp Sarkozy.
Depuis 2013, les juges mènent des investigations d'envergure pour vérifier les accusations portées par d'anciens dignitaires du régime de Mouammar Kadhafi et par l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine, décrit comme un acteur clé du rapprochement franco-libyen.
En novembre 2016, M. Takieddine, lui-même poursuivi, avait affirmé avoir remis, entre fin 2006 et début 2007, cinq millions d'euros en liquide à M. Sarkozy, à l'époque ministre de l'Intérieur, et à Claude Guéant, son directeur de cabinet d'alors.
"Claude Guéant réitère les dénégations les plus fermes à ces accusations: il n'a jamais vu ni entendu parler du moindre centime d'argent libyen", a affirmé à l'AFP son avocat.
Les enquêteurs ont cependant identifié en amont des opérations suspectes dont ils pensent qu'elles ont pu masquer d'éventuels détournements de fonds. Notamment ce virement de 500.000 euros sur un compte de Claude Guéant, le 3 mars 2008, dont ils soupçonnent qu'il proviendrait d'un montage organisé par un intermédiaire proche de la droite, Alexandre Djouhri.
Or, les juges suspectent Claude Guéant d'avoir bénéficié de cette somme pour des "interventions en faveur d'Alexandre Djouhri (...) auprès de la direction d'EADS" (devenu Airbus Group, ndlr), dans le cadre de négociations sur la vente d'avions à la Libye mais aussi "auprès du ministère du Budget", s'agissant d'une dette fiscale d'une société de Djouhri. Arrêté à Londres en janvier, M. Djouhri est en attente de son extradition vers la France.
Ces dernières années, les ennuis judiciaires se sont accumulés pour l'ex-premier flic de France: condamné en appel en 2017 dans le procès des primes en liquide au ministère de l'Intérieur, il est mis en examen dans l'affaire des sondages de l'Elysée. En mai, il a été placé en garde à vue dans l'affaire de corruption présumée du "Kazakhgate".
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