Coproduite par l'Opéra de Limoges (Haute-Vienne) et l'Opéra de Rouen (Seine-Maritime), la mise en scène de Madame Butterfly a été imaginée par Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil.
Déjà primé pour cette audacieuse mise en scène, présentée pour la première fois au public à Limoges en mars 2018, le duo livre un regard neuf sur l'œuvre de Puccini et révèle le véritable sujet de l'œuvre : le choc des cultures. Jean-Philippe Clarac nous parle de leurs choix :
Comment ce duo s'est formé ?
"Nous nous sommes rencontrés il y a 25 ans dans le cadre de nos études à Science-Po. Nous avions déjà une passion commune pour l'opéra et petit à petit l'idée de faire de la mise en scène d'opéra a germé en nous. Nous avons fait nos premières armes aux États-Unis en travaillant pour la Compagnie opéra française de New-York dont le but était de donner à voir les œuvres du répertoire français que les grandes maisons d'opéra américaines ne jouaient pas comme Pélléas et Mélisandre ou une œuvre légère de Gluck : Les pèlerins de la Mecque. Suite à cela, on nous a proposé de monter les Contes d'Hoffman à Nantes puis Faust à Bordeaux. Nous avons commencé à explorer de nouveaux répertoires et notre regard a changé. Puis nous avons été sélectionnés lors du concours de mise en scène d'opéra pour La monnaie de Bruxelles, ce qui nous a permis de monter le Mithridate de Mozart et de développer davantage nos idées sur l'opéra : ce fut un véritable tremplin."
Quelle est l'originalité de vos mises en scènes ?
"Pour nous, l'opéra n'est pas distinct de la vie ! Ce n'est pas un monde à part conçu pour fuir le réel. Il est dans notre monde et doit parler de notre monde d'aujourd'hui. C'est la force du répertoire lyrique de pouvoir toujours questionner le présent. Une grande œuvre du répertoire viendra toujours résonner avec notre époque. Par exemple Mithridate parle de rivalité politique et de dirigeants qui font sécession et lorsque nous avons monté cette œuvre le sujet faisait tout à fait écho au fait que la Grèce se retire de l'Union européenne."
Que questionne Madame Butterfly ?
"On peut se demander à la lecture de Mme Butterfly pourquoi le Japon continue toujours de fasciner les Européens. Mais ce qui nous a séduits justement c'est le message de l'œuvre : cette incompréhension de l'Occident par l'Orient et la réciproque. Cet intérêt pour le Japon rappelle la mode du XIXe siècle baptisé avec ironie japoniaiserie car ces femmes européennes, qui portaient le kimono, ne connaissaient rien au Japon. Or ce pays continue de nourrir les fantasmes les plus fous des jeunes. Nous avons choisi de mettre en scène une jeune fille européenne visiblement fragile psychologiquement qui fantasme le Japon en adoptant la mode Kawaï. Ce qui fascine ce sont en fait les clichés. C'est le cœur même du message de l'œuvre de Puccini. Cette jeune femme d'aujourd'hui, qui habite un studio d'étudiante à Rouen, s'identifie à Mme Butterfly, à son destin tragique : c'est presque une situation de schizophrénie."
Quels ont été vos choix pour Madame Butterfly ?
"Nous avons pris en charge à la fois la mise en scène, les décors et les costumes. C'est une scénographie qui étonne et ce fut a priori pour nous un vrai challenge car Mme Butterfly n'était pas l'une de nos pièces favorites. Nous avons pris le parti de mixer deux niveaux de lecture. La vidéo vient sans cesse souligner le propos, le contredire ou le questionner. Si le 1er acte se passe dans une maison japonaise classique, dès le deuxième acte l'agencement du plateau est complètement chamboulé et désarçonne le spectateur. On voit désormais l'histoire de Mme Butterfly à travers les yeux de cette jeune fille : on entre complètement dans son délire !"
Pratique. Du 25 septembre au 7 octobre 2018 à l'Opéra de Rouen. 10 à 68€. operaderouen.fr
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