L'éclaircie, pour un parti qui souffre aussi sur le plan financier, est venue jeudi soir d'un sondage Odoxa. Il met le Rassemblement national au coude à coude avec La République en marche (21,5% pour LREM contre 21% pour le RN) aux élections européennes de mai prochain.
De quoi réjouir le député Louis Aliot, cité pour conduire la liste RN comme l'eurodéputé Nicolas Bay, ou l'essayiste Hervé Juvin: l'étude d'opinion "démontre que nous sommes toujours là, toujours dans les mêmes proportions" qu'au premier tour de la présidentielle, où Marine Le Pen avait récolté 21,3% des voix.
Pour le sociologue Sylvain Crépon, "la situation du RN d'un point de vue électoral n'est pas si catastrophique compte tenu de tous les boulets qu'il traîne".
Il rappelle qu'en 2002, Jean-Marie Le Pen parvient au second tour après une scission qui avait vu Bruno Mégret emporter avec lui "la moitié de l'appareil".
"Renoncement"
M. Crépon note aussi que l'affaire des emplois fictifs au Parlement européen, pour laquelle Marine Le Pen est à nouveau convoquée par les juges en octobre, ne découragera pas forcément les électeurs, parce qu'elle "ne relève pas de l'enrichissement personnel comme (l'affaire) Pénélope Fillon", qui avait largement contribué à la défaite à la présidentielle du candidat LR François Fillon.
Cette affaire a cependant plombé les finances du parti, déjà très endetté. Les juges ont ordonné fin juin la saisie de 2 millions d'euros d'aide publique due au RN, craignant que le parti n'utilise cet argent pour rembourser ses dettes au lieu de payer d'éventuels dommages. Le préjudice approche les 7 millions d'euros.
Le RN risque en outre un nouveau procès sur le financement de ses campagnes en 2014 et 2015.
"Ce sont des persécutions" dignes d'un "régime totalitaire", cingle un proche de la finaliste de la présidentielle 2017.
Bien qu'à court d'argent, le RN imprimera ses affiches de rentrée montrant Marine Le Pen à côté de son allié italien devenu ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini.
Longtemps son inspiratrice, Marine Le Pen table désormais sur l'expérience de son ami au pouvoir pour l'aider aux européennes.
"Partout en Europe, nos idées arrivent au pouvoir", insistera la dirigeante du RN, qui juge "enthousiasmante" la progression des partis nationalistes et populistes sur le continent.
Prudente sur l'euro
L'objectif n'est pas tant "d'avoir un ou deux députés européens de plus", après avoir raflé la mise en 2014 (25% des voix), que de former au Parlement européen "une minorité de blocage".
Promue en quelque sorte première rivale par Emmanuel Macron, quand le président a revendiqué le rôle de premier opposant aux "nationalistes", Marine Le Pen fera surtout campagne contre l'immigration, dénominateur commun de ses amis en Europe. Mais elle devrait être prudente sur la sortie de l'euro, qui n'est plus sa priorité et divise ses électeurs.
Son ancien bras droit Florian Philippot, parti après la présidentielle, l'éreinte à ce sujet dans un livre à paraître mercredi.
Il affirme sentir chez Marine Le Pen un "renoncement à la victoire" qui expliquera, selon lui, son évolution vers des thèses plus identitaires, sous l'influence des anciens mégrétistes, dont son conseiller Philippe Olivier.
Mme Le Pen doit encore convaincre qu'elle peut se rapprocher d'autres formations pour accéder au pouvoir, comme l'ont fait ses alliés en Autriche et en Italie, alors que LR exclut toute alliance.
A défaut d'avoir persuadé le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan de s'associer à elle, Marine Le Pen promet une liste "de rassemblement" dans laquelle pourrait figurer l'ancien ministre LR Thierry Mariani, qui tarde à se décider. L'essayiste Hervé Juvin, cité pour conduire la liste, sera présent à Fréjus.
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