De 1.652 en 2007, les condamnations pour viol prononcées par une cour d'assises dégringolent à 1.003 dix ans plus tard, soit une chute de 39,3%, selon des données statistiques du ministère de la Justice, révélées vendredi par le journal Le Monde.
Cette baisse, considérable pour les viols, est également constatée, dans une moindre mesure, pour les autres infractions sexuelles les plus graves.
La justice a ainsi prononcé 6.000 condamnations pour violences sexuelles en 2016 - viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle - contre 8.000 en 2007. Cette baisse régulière, année par année, intervient après un bond des condamnations jusqu'au milieu des années 2000.
A partir de 2005, les effets des lois allongeant les délais de prescription en la matière "s'estompent", avance comme explication la Chancellerie, tandis que la libération de la parole entraîne davantage de plaintes et augmente ainsi les délais d'enquête et le nombre d'affaires en attente d'être jugées devant une cour d'assises.
Mais cet engorgement n'explique pas tout: alors que de nombreuses affaires de viols sont "correctionnalisées", c'est-à-dire requalifiées en délit d'agression sexuelle pour être examinées plus rapidement ou éviter le "traumatisme" d'une audience devant une cour d'assises, les condamnations pour agression sexuelle - 75% des peines prononcées pour des violences sexuelles - sont elles aussi en recul sensible, de l'ordre de 22%.
"Très surpris de ces chiffres", Jacky Coulon, secrétaire national de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), écarte tout laxisme. "Aucun magistrat ne considère que le viol ou l'agression sexuelle est une infraction peu grave, qui ne doit pas être sanctionnée", assure-t-il à l'AFP.
Ce qui est confirmé par les auteurs du document statistique du ministère de la Justice, publié le 6 septembre, qui constatent "un alourdissement des peines prononcées au cours du temps", aussi bien pour les viols que pour les agressions sexuelles. En moyenne, la peine est de 9,6 ans de prison pour un majeur condamné pour viol, selon ce document.
70% des plaintes classées
Cette érosion continue du nombre de condamnations pour les infractions sexuelles les plus graves peut-elle alors s'expliquer au regard des suites données aux plaintes ?
"1.003 condamnations, c'est très peu sur les 14.000 plaintes déposées en 2016", s'émeut Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV). "Depuis 2002, le nombre de plaintes pour viol n'a cessé d'augmenter", relève-t-elle, et ce avant même l'effet #metoo dans le sillage de l'affaire Weinstein, qui a libéré la parole des femmes victimes d'abus et entraîné une hausse importante des plaintes pour viols et agressions sexuelles.
En 2016, 70% des plaintes pour viols ont été classées sans suite, essentiellement faute de charges suffisantes, relevait le service statistique du ministère de la Justice dans une précédente étude, parue en mars. Seuls 38% des personnes mises en examen pour viol cette année ont été renvoyées devant une cour d'assises, 15% ont été renvoyés en correctionnelle pour agression sexuelle et 34% ont bénéficié d'un non-lieu.
"C'est une matière où rechercher la preuve de l'infraction est difficile", convient Jacky Coulon.
Pour le porte-parole de la Chancellerie, Youssef Badr, l'affaire d'Outreau a contribué "à renforcer les exigences probatoires dans les enquêtes dans lesquelles les paroles de la victime et de l'auteur s'opposent". "Cet effet s'est ressenti sur les infractions de viols, d'agression sexuelle et d'atteinte sexuelle sur mineurs avec un plus grand nombre de procédures soit non poursuivies, soit qui ont abouti à un acquittement et une relaxe lors des audiences de jugements", ajoute-t-il.
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