"Vous n'êtes pas jugés parce que vous étiez skinheads, tatoués et militants, vous êtes jugés pour les actes que vous avez commis", a lancé l'avocat général, Rémi Crosson du Cormier, aux accusés.
Pour être allés "au devant d'un adversaire désigné", "préférant le désordre, l'honneur, la fierté mal placée à la prudence", les trois hommes jugés depuis deux semaines devant les assises de Paris doivent être sanctionnés par la cour, a-t-il estimé.
Il a demandé la peine la plus lourde à l'encontre d'Esteban Morillo, 25 ans, qui a reconnu être l'auteur des coups mortels et encourt jusqu'à 20 ans de réclusion pour coups mortels portés en réunion et avec une arme.
Sept ans ont été demandés pour son co-accusé Samuel Dufour, 25 ans, porteur d'un poing américain ou de bagues, une "arme par destination", selon l'accusation.
Une peine plus légère, de quatre ans dont deux avec sursis, a été requise contre Alexandre Eyraud, 29 ans, arrivé plus tard dans la rixe mais dont "la seule présence" a favorisé "l'action collective", a affirmé le magistrat.
Ce 5 juin 2013, Clément Méric, étudiant de 18 ans et militant antifasciste, s'est écroulé sur le bitume de la rue Caumartin, lors d'une rixe violente et brève entre militants d'extrême gauche et skinheads d'extrême droite, après une rencontre fortuite dans une vente privée de vêtements de la marque Fred Perry.
Une action "de groupe"
Debout, l'avocat général s'est mis à compter, égrenant les sept secondes de coups mortels portés à Clément Méric.
"Une bataille voulue qui aurait pu être évitée et doit être sanctionnée", estime-t-il, ajoutant: "Cette sauvagerie est parfaitement inadmissible".
Pourquoi? Parce que le groupe de skinheads choisit en sortant du showroom d'aller "droit" sur les jeunes antifascistes qui patientent dans la rue "à 29 mètres" de là. "Ils auraient pu prendre un autre chemin", affirme l'avocat général, qui dit s'être rendu sur les lieux mercredi soir pour s'en convaincre.
Parce qu'ils ont appelé et reçu "des renforts", parce qu'il y a chez ces "amateurs de discours de haine" une "montée d'adrénaline, de testostérone" et que Clément Méric, jeune homme fluet qui se remet à peine d'une leucémie, "ne représente aucun danger" pour eux.
Dans un réquisitoire bref, d'à peine une heure, l'avocat général n'a pas cherché à reprendre un à un les éléments à charge dans un dossier où témoins et expertises se contredisent: "Aucun témoin ne peut restituer la vérité des faits, chacun en recèle une parcelle".
En revanche, il s'est attaché à convaincre les jurés du caractère collectif du crime, la circonstance aggravante de "la réunion" permettant juridiquement de lier les accusés.
"Le groupe a été le moteur de la violence le 5 juin 2013. Qu'aurait été Morillo seul? Rien. Qu'aurait été Dufour seul? Rien. Qu'aurait été Eyraud seul? Rien", a-t-il martelé.
"Le +On y va+ prononcé par l'un des trois constitue le groupe", affirme-t-il.
Ensuite, le crime "causé par la violence de l'un est favorisé par l'action des autres": M. Dufour, notamment, en "empêchant" les camarades de Clément Méric de venir à son secours.
Il accuse Alexandre Eyraud, qui comparaît pour des "violences volontaires" mais que personne n'a vu porter le moindre coup, de "complicité" de ce délit: la partie ferme de la peine requise contre lui - deux ans - est aménageable et devrait lui éviter la prison.
Sans chercher à démontrer la présence d'un poing américain, le magistrat a proposé à la cour de retenir que Samuel Dufour, porteur de bagues, avait une "arme par destination". Et proposé de le condamner pour "complicité de coups mortels", aucun témoin fiable ne l'ayant vu porter des coups à Clément Méric.
Le verdict est attendu vendredi, après les plaidoiries de la défense.
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