C'est la première fois que le Parlement européen use de son droit d'initiative pour demander au Conseil (les Etats membres) de se prononcer sur la situation de l'Etat de droit d'un pays membre.
Décision politiquement symbolique, le vote du Parlement déclenche une longue procédure dont l'issue est incertaine mais qui peut en théorie mener à des sanctions sans précédent à l'encontre de Budapest.
"La décision d'aujourd'hui n'est rien de moins qu'une petite vengeance des politiciens pro-immigration contre la Hongrie", a réagi le ministre des Affaires étrangères Peter Szijjarto, à l'issue d'une réunion gouvernementale.
La procédure de l'article 7 est rarissime dans l'histoire de l'UE. Néanmoins, c'est la deuxième fois en un an qu'elle est déclenchée. En décembre, la Commission avait initié la procédure contre la Pologne.
Elle en est pour l'instant à un stade préliminaire, après l'audition de Varsovie fin juin par le Conseil des ministres des Affaires européennes.
Dans un communiqué, le Parlement explique que la phase de la procédure déclenchée est "préventive", et doit permettre un dialogue avec le pays concerné pour "éviter de possibles sanctions".
"C'est un signe positif que ce Parlement prend ses responsabilités", s'est félicitée l'eurodéputée Judith Sargentini (Verts), rapporteure du dossier. Elle a reconnu qu'il n'y avait "pas de calendrier" pour la suite de la procédure mais s'attendait à une réponse "rapide" du Conseil.
Opinion "déjà faite"
La résolution est passée avec 448 votes pour et 197 contre (et 48 abstentions). Le résultat a été immédiatement contesté par le gouvernement de Viktor Orban. Dans un tweet, le porte-parole Zoltan Kovacs estime que l'abstention aurait dû être prise en compte.
La question avait été posée au service du juridique du Parlement avant le scrutin, qui avait confirmé la tradition appliquée dans l'hémicycle de ne pas considérer l'abstention comme un suffrage exprimé, avait expliqué un porte-parole en début de semaine.
La résolution votée par le Parlement "invite le Conseil à constater s'il existe un risque clair de violation grave, par la Hongrie, des valeurs visées à l'article 2 du traité de l'UE et à adresser à la Hongrie des recommandations appropriées à cet égard".
Le débat précédant le vote a donné lieu à un âpre face-à-face entre le Premier ministre Viktor Orban, venu défendre "l'honneur" de son pays, et les parlementaires.
M. Orban n'a pas cherché à convaincre son auditoire, dont il estimait que l'opinion était "déjà faite". "Je n'accepterai pas que les forces pro-immigration nous menacent, fassent un chantage et calomnient la Hongrie sur la base de fausses accusations", a lancé le dirigeant ultra conservateur.
Longue liste de préoccupations
Le rapport Judith Sargentini établit une longue liste de "préoccupations" portant sur le bafouement des libertés et valeurs prônées par l'UE dans la presse, au sein des universités, contre les minorités, contre les migrants, mais aussi en matière de corruption et d'indépendance de la justice.
Soutenue par les sociaux-démocrates, les libéraux, les Verts et la gauche radicale, mais dénoncée par les groupes souverainistes qui siègent au Parlement, le sort de la résolution dépendait surtout du vote du PPE (Parti populaire européen).
La principale formation politique dans l'hémicycle accueille en effet en son sein le Fidesz de Viktor Orban (12 représentants sur les 218 eurodéputés du groupe).
Incapable de s'accorder en interne, la formation de droite n'avait pas donné de consigne de vote. Mais son chef, l'Allemand Manfred Weber, avait annoncé son intention de voter personnellement en faveur de la résolution.
"J'ai toujours été favorable à construire des passerelles, et je veux continuer à le faire, mais hier (mardi) je n'ai vu aucune volonté de la part du Premier ministre hongrois de faire un pas vers ses partenaires de l'UE et de répondre à nos inquiétudes", a expliqué M. Weber sur Twitter.
Selon la liste des votes, 115 eurodéputés PPE ont voté pour la résolution, 28 se sont abstenus et 57 ont voté contre.
Plusieurs chefs de groupe politique en faveur de la procédure de l'article 7 avaient interpellé directement leurs collègues du PPE pour qu'ils prennent position contre M. Orban.
Le PPE compte parmi ses rangs la CDU de la chancelière allemande Angela Merkel, le parti chrétien-social du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et Les Républicains en France.
Ligne dure anti-immigration, style autoritaire, prises de position anti-UE, Viktor Orban incarne la vague populiste qui déferle en Europe. Fin août, il avait, après avoir rencontré le ministre italien de l'Intérieur, Matteo Salvini, désigné le président français Emmanuel Macron comme son ennemi en Europe.
Mercredi, la présidence française a salué "un signal très fort" de la part du Parlement.
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