Rejeté le 5 juillet dernier par le Parlement européen, le texte qui divise les eurodéputés au sein même de leurs groupes politiques a été amendé dans l'espoir de dissiper les craintes des militants de la liberté sur internet.
Pour les partisans de cette nouvelle directive, proposée par la Commission européenne le 14 septembre 2016 et dont le principal objectif est de moderniser le droit d'auteur à l'ère de la révolution du numérique, le vote de mercredi apparaît comme celui de la "dernière chance".
Le principe de la réforme est d'inciter les plateformes comme YouTube, détenu par Google, à mieux rétribuer les créateurs de contenus (article 13), mais aussi de créer un nouveau "droit voisin" pour les éditeurs de presse (article 11), qui doit permettre aux journaux ou agences comme l'AFP de se faire rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leur production.
"Le sentiment de beaucoup au Parlement, c'est que l'on décide mercredi de la vie ou de la mort de la directive", a déclaré à l'AFP l'eurodéputé français Marc Joulaud.
En effet, si la réforme est adoptée mercredi en plénière à Strasbourg, les eurodéputés pourront entamer des négociations avec le Conseil -- représentant les 28 Etats membres, qui sont déjà parvenus à un compromis sur le dossier le 25 mai dernier -- et la Commission, afin de s'entendre sur un texte définitif.
Ces discussions à huis clos, appelées "trilogues" dans le jargon de l'UE, peuvent prendre plusieurs mois avant d'arriver à un texte commun entre les deux co-législateurs et l'exécutif européen, qui doit alors de nouveau être soumis au vote.
Lobbying intense
La saga est donc loin d'être terminée.
Les partisans de la réforme voudraient qu'elle soit bouclée avant les élections européennes (23-26 mai 2019), beaucoup craignant une montée des eurosceptiques et l'arrivée de nouveaux députés peu favorables au droit d'auteur.
"On peut encore finir à temps si le texte passe mercredi. C'est le dernier créneau, car les trilogues prennent du temps", a estimé M. Joulaud.
En revanche, si le texte est rejeté mercredi et renvoyé en commission parlementaire, il sera de facto enterré.
"On risque de ne pas reparler d'une réforme du droit d'auteur avant plusieurs années", avertit l'eurodéputée française Virginie Rozière, "ce qui serait un problème car la dernière directive date de 2001, une époque où YouTube n'existait pas".
Dans l'autre camp, se retrouvent les géants du numérique, les GAFA, qui craignent une remise en cause de leur "business model", et les militants d'internet, conduits par l'eurodéputée allemande Julia Reda, qui voient dans le texte une menace pour la liberté du web.
Depuis des mois, les deux parties se livrent à une féroce bataille de lobbying auprès des 750 eurodéputés.
Jean-Michel Jarre et Paul McCartney se sont lancés dans la campagne en faveur de la "juste rémunération" des artistes.
Au nom de la défense des droits voisins, Sammy Ketz, grand reporter de l'AFP, a écrit une tribune dans la presse européenne, signée par plus de cent journalistes européens, intitulée "Une question de vie ou de mort".
En face, la star mondiale du hip-hop, l'Haïtien Wyclef Jean qui vit aux Etats-Unis, viendra mardi à Strasbourg, aux côtés de l'eurodéputée allemande libérale Nadja Hirsch, pour "exhorter, selon ses dires, le Parlement européen à ne pas détruire internet".
"L'industrie européenne a beaucoup bénéficié des plateformes", telles que Facebook et Google, a estimé Siada El Ramly, directrice générale de l'EDiMa, groupe de pression du secteur technologique, dans un entretien à l'AFP, ce qui par ricochet a donné plus de choix aux consommateurs européens, selon elle.
De l'avis de tous, l'issue du vote mercredi est très incertain. Le 5 juillet dernier, sur les 627 eurodéputés présents dans l'hémicycle à Strasbourg, 318 s'étaient prononcés contre la directive, 278 pour et 31 s'étaient abstenus.
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