La coparentalité ou "copa", officiellement consacrée par la loi de mars 2002 sur l'autorité parentale, concernait initialement les couples hétérosexuels séparés ou divorcés. Puis les couples homosexuels s'en sont saisis: un père gay et une mère lesbienne, célibataires ou en couple, élèvent ensemble leur enfant, souvent conçu par insémination artisanale, sans vie conjugale commune.
C'est la voie choisie par Nicolas et David. En janvier 2006, ces Parisiens postent une annonce sur co-parents.fr, l'un des nombreux sites spécialisés mettant en relation des personnes souhaitant avoir un enfant. Rapidement, ils rencontrent Virginie, une lesbienne de 33 ans qui, six mois plus tard, tombe enceinte.
"On s'est beaucoup testé, on est parti en vacances ensemble, on a beaucoup échangé sur nos valeurs. On a accroché très rapidement", rembobine Nicolas, 47 ans aujourd'hui et père biologique du bébé, Marie. Un an après la naissance, Nicolas, David et Virginie décident d'emménager dans deux appartements mitoyens avec une pièce commune, la chambre de Marie. "En fonction des jours de garde, c'était ouvert d'un côté ou de l'autre", explique Nicolas.
Depuis 2014, Marie a un petit frère, Victor, dont David est le père. Les "petites tensions au départ, le temps de se caler", sont devenues très rares, assure Nicolas: "il faut être à l'écoute, s'ajuster à l'autre, comme un vrai couple, sauf qu'il y a un peu plus de monde!"
Une belle histoire qui tranche avec celle de Christine, une Marseillaise de 40 ans. Cette lesbienne était pourtant "rassurée" avant de se lancer dans la "copa": le père de sa fille, âgée de deux ans, était "un ami de 20 ans".
Mais après quelques mois de grossesse, le conjoint de son ami annonce qu'il veut adopter l'enfant. "J'ai eu le sentiment de n'être qu'une mère porteuse", se désole Christine. La communication est alors difficile: "quand il me remettait ma fille, c'était comme s'il venait déposer son paquet". Une médiation a été ordonnée par un juge aux affaires familiales (JAF): "Ça s'est apaisé, on arrive à parler", souffle Christine.
"Faire famille"
"Le risque de conflit survient surtout dans les premières années, les pères peuvent être impatients de voir leurs enfants et les mères peuvent avoir du mal à se séparer d'eux. Et puis, ça finit par s'arranger", souligne Martine Gross, sociologue au CNRS, qui a mené plusieurs enquêtes sur l'homoparentalité.
Jean, un Bordelais de 45 ans, est épuisé par "les échanges de courriers d'avocats" avec la mère de sa fille, une célibataire hétérosexuelle rencontrée sur un site de coparentalité. "Elle faisait exprès de ne pas la déposer à la crèche le matin pour que je ne puisse pas la récupérer", confie cet homosexuel, en couple depuis plus de dix ans. Leur fille, faute de s'accorder sur une école équidistante de leurs domiciles, n'a pas pu faire sa rentrée en maternelle.
Des chartes de coparentalité, fixant les modalités d'organisation de la vie de l'enfant, peuvent être homologuées par un juge aux affaires familiales. "Mais ça ne sert à rien, balaye Caroline Mécary, avocate spécialiste des droits des homosexuels. En cas de conflit, le juge statue à l'instant T en fonction de l'intérêt de l'enfant".
Si c'était à refaire, Jean irait à l'étranger "faire une GPA" (gestation pour autrui), interdite en France, et Christine "irait en Espagne ou en Belgique" pour une PMA (procréation médicalement assistée), réservée pour l'instant aux couples hétérosexuels infertiles.
"Dans les années 2000, près de la moitié de nos adhérents souhaitaient une coparentalité, souligne Nicolas Faget, porte-parole de l'Association des parents gay et lesbiens (APGL). Aujourd'hui, ils ne sont plus que 5%". "La coparentalité, c'est lourd et incertain. Avec une PMA ou une GPA, le conjoint - si le couple est marié - peut adopter, +faire famille+ est plus rapide, c'est plus motivant", ajoute-t-il.
Surtout, souligne, Me Mecary, pour les femmes "le coût d'une PMA est moins élevé que le coût psychologique d'un conflit permanent avec le père".
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