Grande cité du Sud de l'Irak, Bassora a connu une nouvelle nuit de feu et de sang vendredi, des milliers de manifestants descendant dans les rues comme ils le font quotidiennement depuis mardi.
Trois d'entre eux ont été tués et plusieurs institutions ont été incendiées ainsi que le consulat d'Iran, pays voisin et très influent en Irak.
Au total depuis mardi, 12 manifestants ont trouvé la mort.
Samedi, la situation reste tendue et quatre roquettes sont tombées dans l'enceinte de l'aéroport de Bassora, ont indiqué à l'AFP des sources de sécurité. Le consulat des Etats-Unis, autre puissance très influente, en Irak, se trouve dans ce secteur. Le trafic aérien n'a pas été perturbé.
Depuis début juillet, Bassora est l'épicentre d'un mouvement de protestation contre la corruption, endémique en Irak, le chômage et la déliquescence des services publics dans un pays qui annonce pourtant des recettes pétrolières record --7,7 milliards de dollars d'exportations en août-- et se targue d'avoir terminé la guerre contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI).
La colère est exacerbée cette année par une sécheresse qui a réduit la production agricole à peau de chagrin.
Si le mouvement avait semblé s'essouffler durant l'été, il est reparti de plus belle depuis mardi alors qu'une crise sanitaire sans précédent a éclaté à Bassora où plus de 30.000 personnes ont dû être hospitalisée en raison de l'utilisation d'eau polluée.
Nouveau cap
Depuis début juillet, 27 personnes sont mortes dans ces troubles qui avaient touché au début de l'été d'autres régions du Sud. Amnesty International a dénoncé un "usage excessif de la force par les forces de sécurité". Bagdad pointe du doigt des "vandales" infiltrés.
Cette semaine, les troubles ont été limités à la seule province de Bassora, mais ils ont franchi un nouveau cap. Un à un, les manifestants ont brûlé tous les symboles du pouvoir qu'il conspuent.
Après le siège du gouvernorat, ils s'en sont pris aux partis et groupes armés, puissants dans ce bastion chiite frontalier de l'Iran.
Vendredi soir, ils ont pénétré par centaines dans le consulat iranien, une forteresse hérissée de blocs de béton et de barbelés.
"Il n'y a plus de consulat iranien, on n'en veut plus", a lancé un homme au visage masqué à l'AFP.
L'Iran a dénoncé un complot destiné à "détruire les relations d'amitié". Les deux pays, à majorité chiite, sont très liés économiquement et politiquement.
Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a condamné cette attaque et annoncé avoir "chargé les forces de sécurité d'agir de façon décisive face aux actes de vandalisme".
Le commandement militaire a annoncé des "mesures sécuritaires exceptionnelles" et "judiciaires sévères", interdisant "rassemblements" et "déplacements en groupe". "Les forces chargées de protéger les institutions et le consulat" font l'objet d'une enquête, selon les autorités.
Au lendemain de cette attaque, le Parlement doit se réunir pour entendre M. Abadi et certains de ses ministres.
Certains députés envisagent déjà les solutions les plus extrêmes.
Intissar Hassan, élue de l'Alliance de la Conquête à Bassora, affirme ainsi à l'AFP: "Si la situation reste telle qu'elle est, nous nous dirigeons vers un gouvernement d'urgence". Cette disposition constitutionnelle irakienne accorde les pleins pouvoirs au Premier ministre.
Parlement divisé
La séance s'annonce houleuse dans une assemblée fortement divisée.
Le bloc pro-Iran au Parlement, emmené par Hadi al-Ameri, tête de liste d'anciens combattants antijihadistes très implantés à Bassora, revendique la majorité des députés nécessaire pour former un nouveau gouvernement après les législatives de mai.
Mais M. Abadi, allié au populiste Moqtada Sadr qui se veut le héraut de l'indépendance politique face à Washington et Téhéran, aussi.
Samedi, à l'appel de Moqtada Sadr, M. Abadi se présentera avec plusieurs de ses ministres devant les députés pour évoquer la situation à Bassora.
M. Abadi avait déjà annoncé début juillet le déblocage en urgence de milliards de dollars pour Bassora, mais sur place, les habitants assurent n'avoir rien vu changer.
Ils disent réclamer leur part des revenus du pétrole dans une province épargnée par la guerre contre l'EI mais où les infrastructures vétustes ne supportent plus le poids de l'exode rural.
Le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite du pays, a dénoncé vendredi dans un sermon prononcé par un représentant "le mauvais comportement des hauts dirigeants".
Il a fait savoir dans ce sermon, que selon les constations d'un autre de ses envoyés à Bassora, "il aurait été possible, avec un peu d'effort et d'argent (...) de diminuer grandement les effets de la crise" de l'eau.
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