L'attaque au mortier sur le secteur ultra-sécurisé de Bagdad, un incident rare et dont les auteurs ne sont pas identifiés, n'a fait "ni victime ni dégât", selon le commandement des opérations dans la capitale irakienne.
Elle survient sur fond de contestation sociale dans la province de Bassora, la plus riche en hydrocarbures du pays et pourtant l'une des moins bien dotées en infrastructures, qui s'est soldée par de la mort de huit personnes depuis mardi.
Ce mouvement, dénonçant l'incurie de la classe politique, a débuté le 8 juillet pour réclamer eau, électricité et emplois, en pénurie chronique. Il vient d'être relancé par une crise sanitaire qui a mené plus de 30.000 personnes à l'hôpital pour des intoxications à l'eau polluée à Bassora.
Les politiciens, accaparés par les difficiles tractations pour former le futur gouvernement, se rejettent les responsabilités de la crise.
Dans la nuit à Bassora, d'imposants nuages d'épaisse fumée noire et de hautes flammes s'élevaient du siège du gouvernorat, de la résidence du gouverneur provincial, ainsi que des sièges de partis politiques et groupes armés, tandis que des milliers de manifestants étaient de nouveau dans la rue, ont constaté des correspondants de l'AFP.
Dans le chaos créé par ces incendies, "une personne a été tuée et 35 blessées, donc 24 civils et 11 membres des forces de l'ordre", selon un communiqué du ministère de la Santé, qui ne fournit pas d'autre détail.
Si durant plusieurs soirs cette semaine, des manifestants avaient lancé des cocktails Molotov et des bâtons de feux d'artifice sur le siège du gouvernorat, la manifestation de jeudi soir devant ce complexe a semblé plus calme, selon des correspondants de l'AFP.
Les protestataires ont convergé, avec des membres des forces de l'ordre, devant le siège du gouvernorat afin d'y déposer des bougies pour les sept manifestants tués mardi et mercredi.
Mais des flammes et de la fumée ont de nouveau été visibles dans le siège du gouvernorat alors que les pompiers semblaient être venus à bout dans l'après-midi de l'incendie allumé la veille.
"L'Etat doit répondre"
Le siège du gouvernorat est le symbole pour les protestataires de la corruption et de l'incurie de l'Etat.
Près du gouvernorat, des locaux d'un immeuble hébergeant l'antenne locale de la télévision publique, al-Iraqiya, ont également été ravagées par les flammes, selon des témoins.
Le siège de plusieurs partis et groupes armés chiites, puissants dans la province, ont aussi été incendiés, dont ceux de l'organisation Badr, groupe armé soutenu par l'Iran. Son chef, Hadi al-Ameri, a emmené la liste arrivée seconde aux législatives de mai, et du parti Daawa du Premier ministre Haider al-Abadi.
Un couvre-feu a été imposé dans la nuit.
Début juillet, lorsqu'avait éclaté à Bassora le mouvement anticorruption, les manifestants s'en étaient déjà pris aux partis et groupes armés.
Ce mouvement, qui avait gagné l'ensemble du sud du pays et Bagdad, s'était ensuite essoufflé, alors que M. Abadi annonçait le déblocage d'un plan d'urgence de plusieurs milliards de dollars.
Le mouvement est ensuite reparti vendredi dernier avant de dégénérer ces derniers jours en violences meurtrières, les défenseurs des droits de l'Homme mettant en cause les forces de l'ordre. Les autorités, elles, pointent du doigt des "vandales" infiltrés parmi les manifestants et assurent avoir ordonné aux troupes de ne pas tirer.
Au total, 23 personnes ont été tuées depuis début juillet à travers le pays lors des troubles.
"Les gens manifestent et le gouvernement s'en fiche, il les traite de vandales. Personne n'est un vandale, les gens en ont marre, alors ils lancent des pierres et ils brûlent des pneus, parce que personne ne leur répond", s'emporte Ali Saad, 25 ans, rencontré par l'AFPTV.
"Solutions immédiates"
Le leader chiite Moqtada Sadr, vainqueur des législatives, a appelé le Parlement à convoquer le gouvernement pour qu'il expose des "solutions radicales et immédiates".
L'ancien chef de milice, devenu héraut des manifestations anticorruption, a donné jusqu'à dimanche aux ministres et aux députés pour se réunir alors que, paralysés par les divisions, ils ont reporté l'élection du président du Parlement.
S'ils ne le font pas, "qu'ils quittent tous leur poste", a-t-il lancé à l'adresse des ministres.
Peu après, M. Abadi, qui tente d'obtenir un second mandat en formant avec M. Sadr une coalition gouvernementale, s'est dit prêt à se rendre au Parlement.
Moqtada Sadr, dont les partisans avaient mené un long sit-in dans la Zone verte en 2016 pour dénoncer la corruption et réclamer des réformes, a appelé à "des manifestations de colère pacifiques à Bassora".
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