Il est tard jeudi quand elle s'avance à la barre de la cour d'assises de Paris pour demander le "respect de la mémoire" du plus jeune de ses enfants. D'une voix douce et déterminée, l'ancienne professeur de droit de 59 ans vient présenter son fils.
L'image d'un Clément Méric "provocateur" et "agressif" esquissée par plusieurs témoins quand se croisent antifascistes et skinheads à une vente privée de vêtements peu avant la rixe mortelle l'a heurtée: "Ce n'est pas lui".
"Clément: c'est tout à fait possible qu'il dise: +les néonazis, ça ne devrait pas exister+. En revanche, qu'il ait dit +ces gens-là ne devraient pas être vivants+, certainement pas", affirme-t-elle.
Le jeune homme, qui se remettait alors à peine d'une leucémie, "pouvait être très ferme dans ses oppositions, contre quelque chose qui lui semblait inacceptable, mais il n'était pas du tout dans l'agressivité physique".
Têtu même, quand devenu végétarien, il rechigne à manger de la viande alors que son médecin l'exige, avant de céder face aux arguments du corps médical.
Sa mère décrit un enfant "curieux" devenu un adolescent "de convictions", choqué par l'injustice sociale. Il a huit ans quand une vieille tante lui donne une pièce d'argent de 50 francs, qu'il "a immédiatement donnée" à un mendiant en sortant.
Avec son mari, elle a cherché à comprendre, prête même à un geste vers les accusés, chez qui elle n'a pas le sentiment "d'une prise de conscience de la gravité de ce qui s'est passé". A la présidente qui demande si elle souhaite s'adresser à eux, elle répond: "Est-ce que eux, ils ont envie de nous dire quelque chose?"
"Si on est des humains"
Elle raconte les avoir croisés, lors de la reconstitution des faits: "J'espérais, j'attendais. Je me disais, si on est des humains, on doit se sentir concerné par quelque chose de si important, qui nous lie."
Invité à se lever, Samuel Dufour, accusé avec Esteban Morillo d'avoir porté des coups mortels à son fils, prévient d'emblée: "Bon, je vais pas être à la hauteur". Fils d'ouvrier, élevé en "patriote" et avec peu de mots, il mesure la distance qui le sépare de Mme Méric.
- "Je suis désolé mais je n'ai pas touché votre fils", dit-il.
- "C'est surtout pour lui. Il avait une vie", répond-elle avec douceur.
- "C'est dur pour ceux qui restent aussi", parvient-il à articuler, sans qu'on sache s'il parle d'elle, de lui ou des deux.
A son tour Morillo se lève, très vite en larmes, répète qu'il est "sincèrement désolé". "Vous croyez qu'il suffit d'être désolé?", lui assène la présidente de la cour.
"Je ne sais pas quoi dire. J'aurais voulu ne pas être là. Je regrette tout ce que j'ai pu faire", renifle-t-il, secoué.
Agnès Méric regarde les photos de son fils, projetées sur grand écran. Un visage enfantin, souriant, qu'elle a choisi de montrer avec son mari, pour chasser celles de l'autopsie.
Elle cherche les mots les plus justes. "Clément avait une forme d'élégance, à la fois dans sa posture physique, et aussi une élégance morale et intellectuelle". Elle sourit au souvenir de son fils anarchiste s'habillant en polo Fred Perry.
"On a été envahi par cette mort de Clément. On s'est dit, qu'on se laisse envahir par la vie de Clément, pas par la fachosphère", explique-t-elle. Les parents Méric sont partis à la rencontre des amis de Clément, jeunes autonomes, féministes et anticapitalistes. "Ils ont forcé notre respect, par la qualité de leur engagement."
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