Ce procès sans précédent avait débuté le 26 juin mais avait dû être reporté le lendemain, l'accusé Eduardo Vela ayant été admis aux urgences. "Nous espérons que ce sera le dernier jour d'audience avant le prononcé de la sentence", a déclaré à la presse Inès Madrigal, qui a dénoncé le médecin.
Cet ex-obstétricien de 85 ans, qui a dirigé pendant 20 ans jusqu'en 1982 la clinique San Ramon de Madrid, aurait été un des principaux acteurs du trafic qui pourrait avoir touché des milliers d'enfants depuis la dictature de Franco (1939-1975).
Souvent avec la complicité de l'Eglise catholique, les enfants étaient retirés à leurs parents après l'accouchement, déclarés morts sans qu'on leur en fournisse la preuve, et adoptés par des couples stériles, de préférence proches du régime "national-catholique".
Dans ce procès, le Dr Vela est accusé par Inès Madrigal, employée des chemins de fer de 49 ans, de l'avoir séparée de sa mère biologique Inès Pérez et d'avoir falsifié son acte de naissance en juin 1969. Le parquet réclame 11 ans de prison à son encontre.
Alors que le scandale a été dénoncé pour la première fois dans la presse en 1982, Eduardo Vela, dénoncé depuis longtemps par la presse et des associations de victimes, est le premier à s'asseoir sur le banc des accusés, grâce au témoignage de la mère adoptive d'Inès Madrigal, décédée depuis.
Cette dernière, qui ne pouvait pas avoir d'enfant, a raconté que le médecin lui avait proposé un bébé avant de lui demander de simuler une grossesse pour la déclarer comme mère biologique du nouveau-né.
Durant l'instruction, Eduardo Vela avait reconnu avoir signé "sans regarder" le dossier médical indiquant qu'il avait assisté à l'accouchement mais il s'est rétracté lors de la première audience, affirmant ne pas reconnaître sa signature.
Témoignage d'une journaliste de France 2
Six témoins devaient comparaître mardi, dont une journaliste de la chaîne française de télévision France 2 qui a enregistré en caméra cachée la confession de Vela sur le bébé offert en "cadeau". Selon une source judiciaire, elle sera interrogée en vidéo-conférence.
"Cette journée pourrait être historique (parce qu'elle) pourrait déboucher sur un jugement qui considérerait les faits comme établis. Jusqu'à présent nous n'avons que des accusations", a déclaré Guillermo Peña, avocat d'Inès Madrigal. D'après lui, les trois juges du tribunal pourraient prononcer la sentence d'ici un mois.
Pour l'avocat Enrique Vila Torres, l'un des spécialistes du sujet, ce procès "peut aider moralement" les victimes et les inciter à porter leurs cas en justice. "Il y a des dizaines de médecins et de religieuses coupables dans toute l'Espagne" encore en vie, assure-t-il.
Mais malgré l'ampleur du scandale, aucune des plus de 2.000 plaintes déposées selon les associations n'a abouti, souvent en raison de la prescription des faits.
La pratique du "vol de bébés" est née pendant la répression qui a suivi la guerre civile (1936-1939), les enfants étaient soustraits à des opposantes accusées de transmettre le "gène" du marxisme.
Puis à partir des années 1950, des enfants nés hors mariage, ou dans les familles pauvres ou très nombreuses, ont été visés. Le trafic a perduré sous la démocratie, au moins jusqu'en 1987, cette fois pour faire de l'argent.
Le même phénomène s'est reproduit en Argentine pendant la dictature militaire (1976-1983) quand quelque 500 nouveaux-nés ont été arrachés à des détenues et confiés en adoption à des familles soutenant le régime.
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