Baptisé "Aufstehen" (Debout), ce mouvement initié par Sahra Wagenknecht, une égérie de la gauche radicale (Die Linke), ambitionne de rassembler les déçus d'une gauche fragmentée, qui a rassemblé moins de 40% des voix aux élections de 2017 et dont certains électeurs se sont réfugiés dans le vote AfD à l'extrême droite.
Epouse d'Oskar Lafontaine, l'ex-ministre de Gerhard Schröder qui avait claqué la porte du gouvernement pour co-fonder Die Linke en 2007, Mme Wagenknecht est une habituée des positions hétérodoxes au sein de sa famille politique: elle n'hésite pas à défendre la mémoire de la RDA communiste, à défendre la Russie de Vladimir Poutine ou, comme Jean-Luc Mélenchon en France, à tirer à boulets rouges sur l'Union européenne.
"Aufstehen", qui revendique déjà 85.000 sympathisants selon M. Lafontaine, n'entend pas à ce stade devenir un parti de plus. Il peine d'ailleurs à attirer des personnalités de gauche de premier plan.
"Naïveté"
Mais, dans une Allemagne où les électeurs de gauche sont de plus en plus déboussolés par la coalition formée par Angela Merkel entre son parti de centre-droit et les sociaux-démocrates, le nouveau mouvement entend remettre au coeur des débats les enjeux sociaux. Sans hésiter à les relier à la sensible question migratoire.
Dans son style incisif, Mme Wagenknecht, co-présidente de Die Linke au Bundestag, rompue aux talk-shows politiques, multiplie ainsi les critiques contre la supposée "naïveté" de la gauche en matière d'immigration.
En 2016, après l'attentat de Berlin revendiqué par le groupe Etat islamique, elle n'avait pas hésité à dénoncer "l'ouverture incontrôlée des frontières".
Mme Wagenknecht avait aussi remis en cause le "droit d'hospitalité" dont ont bénéficié les auteurs, pour beaucoup originaires du Maghreb, d'agressions sexuelles le 31 décembre 2015 à Cologne.
Avec la décision d'Angela Merkel d'ouvrir, en septembre 2015, les frontières aux réfugiés, "de nombreux problèmes sociaux" sont "devenus encore plus aigus", affirme cette ancienne membre du parti communiste de RDA.
"Debout" cible en particulier les Etats-régions d'Allemagne de l'Est. Plusieurs verront leurs parlements renouvelés en 2019, avec une probable nouvelle poussée de l'extrême droite, qui avait atteint déjà 20% des suffrages lors des élections législatives de 2017, contre 12% à l'échelle fédérale.
"Chasse à l'homme"
"Avec ce mouvement, nous voulons juguler la montée de l'AfD", explique M. Lafontaine, que plusieurs médias présentent comme le cerveau d'Aufstehen. "Regardez ce qui se passe en ex-Allemagne de l'Est: l'AfD y est devenu le parti des travailleurs et des demandeurs d'emploi. Cela doit nous faire réfléchir, à gauche, sur ce que nous avons raté", assène-t-il.
Si sa rhétorique résonne parfois avec les discours de l'AfD, Mme Wagenknecht n'a toutefois pas franchi totalement le Rubicon, décrypte Gero Neugebauer, politologue spécialiste de la gauche à l'université libre de Berlin.
"L'AfD dit +tout pour les Allemands, les étrangers dehors !+. Wagenknecht ne dit pas ça" car elle défend le droit d'asile et n'attaque pas l'islam, selon lui.
Les sifflets que Mme Wagenknecht avait reçus au congrès de Die Linke en juin avec des propos anti-migrants montrent que son discours n'est pas forcément audible dans une mouvance de tradition internationaliste.
Aufstehen "ne m'empêche pas de dormir", plastronne ainsi la dirigeante du SPD, Andrea Nahles.
Mais cette nouvelle aventure politique risque de dynamiter un peu plus une gauche allemande en crise.
"A une époque où une foule brune peut à nouveau pratiquer sans entrave une chasse à l'homme, la gauche sociale (...) doit éviter tout ce qui ressemble à des divisions et reculs", a mis en garde un rival de Sarha Wagenknecht au sein de Die Linke, Bernd Riexinger.
Aufstehen est susceptible, selon un sondage réalisé début août pour Focus, de recueillir le vote d'un tiers des Allemands interrogés.
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