Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a accusé vendredi son homologue russe Sergueï Lavrov de "défendre l'assaut syrien et russe contre Idleb", le dernier grand fief rebelle qui échappe au contrôle du pouvoir. "Les Etats-Unis considèrent qu'il s'agit d'une escalade dans un conflit déjà dangereux", a-t-il prévenu.
L'avertissement américain ponctue dix jours d'échanges musclés entre Occidentaux d'une part et régime syrien et Russie d'autre part, au moment où cette province du nord-ouest du pays, frontalière de la Turquie, est dans le viseur de Bachar al-Assad, qui, fort du soutien aérien crucial de la Russie depuis 2015, a déjà repris plus de 60% de la Syrie.
Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, qui avaient mené ensemble des frappes ciblées et ponctuelles mi-avril contre des installations syriennes en riposte à une attaque chimique présumée, ont rappelé leur ligne rouge. "Comme nous l'avons démontré, nous répondrons de manière appropriée à toute autre utilisation d'armes chimiques par le régime syrien", ont-il assuré dans un communiqué commun le 21 août.
John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale du président américain Donald Trump, a ensuite enfoncé le clou en promettant de réagir "très fortement" en cas d'attaque chimique.
En réponse, Sergueï Lavrov a dit mercredi espérer que les pays occidentaux ne vont "pas entraver l'opération antiterroriste" dans cette région. "Il est nécessaire de liquider cet abcès", tout en "minimisant autant que possible les risques pour la population civile", a-t-il ajouté, semblant confirmer l'imminence d'un assaut.
"Laissez-faire"
La diplomatie américaine s'est activée en coulisses pour mettre en garde Moscou, déjà accusé par le passé d'avoir au mieux fermé les yeux face au recours à des armes interdites par ses protégés syriens.
Mais ces "avertissements verbaux" sont en décalage avec "la réalité de la Syrie en 2018", dit à l'AFP Jonas Parello-Plesner, chercheur au Hudson Institute, un cercle de réflexion de Washington, qui vient de publier une étude sur l'approche américaine dans la région.
Et cette réalité, c'est qu'"Assad avance sur le terrain aidé par l'Iran au sol et la Russie dans les airs", tandis que l'administration américaine continue de donner la priorité au processus de Genève, sous l'égide de l'ONU, qui est pourtant "moribond", détaille-t-il.
En cas d'attaque chimique, certes, une "réaction similaire" à celle des Occidentaux en avril est "possible", mais cela ne changerait rien, estime cet expert, "à l'approche militaire de laissez-faire de l'administration américaine en Syrie".
Donald Trump a en effet annoncé au printemps son intention de retirer les troupes américaines dès que possible, une fois les jihadistes du groupe Etat islamique définitivement vaincus. Même si le coup d'envoi du départ n'a pas été donné, cette décision résume le désengagement de Washington dans un conflit qui dure depuis plus de sept ans.
En fait, renchérit Faysal Itani, expert de l'Atlantic Council, un autre think tank américain, "les Etats-Unis se sont déjà résignés à la reprise du reste de la Syrie par le régime". "Après avoir accepté cela dans le sud, à Damas, Alep, etc.", "les Américains n'ont aucune crédibilité ni moyen de pression" et "le régime et la Russie l'ont bien compris", affirme-t-il à l'AFP.
Selon lui, une fois la situation définitivement clarifiée sur le terrain, la balle sera à nouveau dans le camp de la diplomatie et d'une solution politique, priorité affichée par Washington. "Mais à ce moment-là, il ne restera plus grand-chose à négocier, à part reconnaître formellement les réalités politiques qui reflètent les réalités militaires, et qui sont favorables au régime syrien".
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