"Non, nous n'avons pas d'accord", a répondu jeudi soir la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, à un journaliste à sa sortie d'une très brève rencontre --la quatrième de la journée-- avec le négociateur en chef américain, Robert Lighthizer, aux alentours de 22H30 (02H30 GMT).
"J'ai eu une brève conversation avec l'ambassadeur (Robert) Lighthizer et son équipe. J'avais quelque chose à dire", a-t-elle déclaré, mais n'a donné aucune autre précision sur sa brève entrevue et seulement ajouté qu'elle reviendrait vendredi matin pour une nouvelle session de discussions au plus haut niveau.
Le temps presse pour trouver un accord, vendredi ayant été fixé comme date butoir par le président Donald Trump. Qui plus est, selon son programme officiel, il quitte Washington à 12H45 (18H45 GMT) pour se rendre en Caroline du Nord et ne doit revenir que vers 19H30.
"Cela pourrait intervenir d'ici (ce) vendredi ou à un autre moment. Mais ils (les Canadiens, ndlr) n'ont en définitive pas d'autre choix", avait estimé jeudi le président américain Donald Trump dans un entretien à l'agence Bloomberg, dans lequel il a aussi menacé de retirer les Etats-Unis de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
"Nous remplaçons l'Aléna par un accord commercial avec le Mexique de toute beauté et flambant neuf et au moment où je vous parle avec le Canada", a lancé M. Trump dans la soirée lors d'un meeting électoral dans l'Indiana. Il a néanmoins ajouté: "il faut qu'ils se débarrassent de ces barrières et de ces tarifs" faisant peut-être allusion au régime de protection du secteur laitier canadien, qu'il a dénoncé à de nombreuses reprises.
Tout au long de la journée de jeudi, Mme Freeland, venue en urgence dans la capitale américaine mardi pour diriger les tractations pour Ottawa, a fait part de son optimisme, relevant "la bonne volonté" des négociateurs réunis autour de la table qui mènent d'intenses discussions quasiment jour et nuit.
Les ultimes tractations se tiennent dans les bureaux du représentant américain au Commerce (USTR) Robert Lighthizer, non loin de la Maison Blanche.
La renégociation de l'Aléna avait été imposée de manière unilatérale au Canada et au Mexique par Donald Trump il y a un plus d'un an, ce dernier jugeant l'accord initial "désastreux" pour l'économie américaine et dénonçant un traité qui s'est traduit par un important déficit commercial avec Mexico (63,6 milliards de dollars en 2017).
Vendredi a pris l'allure d'une date butoir à double titre: d'une part, un nouveau texte doit être soumis au Congrès américain pour respecter un délai de 90 jours donnant la possibilité d'une approbation d'un nouveau texte par la majorité actuelle. Et d'autre part, au Mexique, pour permettre au gouvernement sortant d'accorder son aval avant de laisser la place au président nouvellement élu Andrés Manuel Lopez Obrador qui doit prendre ses fonctions le 1er décembre.
Washington et Mexico s'étaient, eux, entendus dès lundi sur toute une série d'aménagements du traité entré en vigueur en 1994.
Automobile, protections des travailleurs
Les grandes lignes d'un nouvel Aléna comprennent de nouvelles dispositions sur le commerce de l'automobile, avec un pourcentage plus élevé de composants produits localement, des protections plus strictes pour les travailleurs et une disposition permettant de revoir l'accord tous les six ans.
Chrystia Freeland avait révélé que le Canada et les Etats-Unis étaient déjà arrivés "à un accord de haut niveau" concernant l'automobile au printemps.
C'était l'un des points essentiels --avec des concessions en matière salariale et de droit du travail par Mexico-- de l'accord commercial entre le Mexique et les Etats-Unis annoncé solennellement lundi par Donald Trump.
Les Canadiens avaient délibérément choisi de s'éloigner des discussions sur un Aléna réformé en attendant que les Etats-Unis et le Mexique parviennent à surmonter leurs nombreux différends.
Pour autant, Ottawa et Washington demeurent opposés sur quelques points clés: le Canada entend défendre le marché canadien des produits laitiers ainsi qu'une procédure de règlement des différends entre les partenaires du traité dite "Chapitre 19".
La propriété intellectuelle fait également débat, le Canada souhaitant préserver son secteur pharmaceutique de produits génériques quand les Etats-Unis et le Mexique se sont mis d'accord sur la protection pendant au moins dix ans des brevets des médicaments favorisant ainsi les laboratoires américains.
Le meilleur accord possible
Si le Premier ministre canadien Justin Trudeau a évoqué la "possibilité d'avoir un bon accord pour le Canada d'ici à vendredi", il a aussi une nouvelle fois souligné, devant les premiers ministres des provinces et territoires canadiens, que son gouvernement continuerait "de veiller à ce que tout éventuel accord soit le meilleur accord possible pour les Canadiens".
Le chef du gouvernement canadien fait face à la pression du calendrier politique. Des élections doivent avoir lieu dans un an et il lui faut éviter d'apparaître comme capitulant devant le président américain. Deux provinces --le Québec et le Nouveau-Brunswick-- dirigées par son parti sont déjà en campagne électorale et un accord pourrait se révéler salutaire.
Sur le front européen, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a averti que l'UE riposterait à d'éventuelles taxes américaines sur les importations d'automobiles du vieux continent, alors que le cessez-le-feu commercial entre Washington et Bruxelles semble à nouveau menacé.
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