Le rapport, rédigé par deux acteurs historiques du nucléaire - un ancien administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), Yannick d'Escatha, et un ex-délégué général à l'armement, Laurent Collet-Billo -, recommande de lancer la construction de six nouveaux réacteurs EPR.
Remis cet été au gouvernement et classé "secret défense", le rapport suggère que le premier chantier démarre en 2025 et que les suivants débutent régulièrement tous les deux ans, selon Les Echos.
La France compte aujourd'hui 58 réacteurs (soit environ 63 gigawatts), et un EPR est en construction à Flamanville (Manche) mais ce chantier multiplie les déboires, qui ont entraîné d'importants retards et un triplement de son coût qui atteint maintenant 10,9 milliards d'euros.
La loi sur la transition énergétique prévoit de ramener de 75% à 50% la part de l'atome dans la production de courant à horizon 2025, même si le gouvernement a déjà indiqué qu'il ne tiendrait pas ce calendrier.
Pour réduire la part du nucléaire, des réacteurs devront fermer, et seuls les deux de la centrale de Fessenheim sont actés. La feuille de route énergétique (PPE) de la France pour 2028, attendue d'ici à la fin de l'année, doit donner des précisions sur ce sujet, même si EDF ne souhaite pas fermer d'autres réacteurs avant 2029.
Dans l'optique de ces fermetures, EDF défend aussi la construction de nouveaux réacteurs, des EPR "simplifiés", grâce au retour d'expérience des chantiers en cours. Il a d'ailleurs appelé l'Etat à prendre une décision rapide pour mettre une "première" centrale en service "en 2030 ou peu après".
L'ancien ministre de la Transition énergétique Nicolas Hulot y semblait opposé. Dans des propos datant de cet été et publiés mardi par Libération, il disait : "Si je m'en vais, il va y avoir trois EPR de plus dans les prochaines années".
Le Maire temporise
Pour EDF, l'enjeu est avant tout industriel, pour maintenir ses compétences avec des chantiers qui se succèdent, et remporter des marchés à l'étranger. "Avec (le projet de deux EPR à) Hinkley Point il y a eu un petit répit, mais il faut voir au-delà", explique Nicolas Goldberg, du cabinet Colombus Consulting.
"EDF a besoin d'un signal clair, d'autant plus qu'on leur a demandé de prendre en charge toute la filière nucléaire", avec le rachat de la branche réacteurs d'Areva, ajoute Matthieu Courtecuisse, président du cabinet Sia Partners.
Jeudi, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a temporisé. "La sagesse recommande déjà d'attendre que l'EPR de Flamanville soit achevé avant de prendre des décisions", a-t-il déclaré sur Radio Classique, tout en soutenant l'atome et sa filière industrielle.
Mais au-delà de l'enjeu industriel, la France a-t-elle besoin de construire de nouveaux réacteurs pour satisfaire sa consommation de courant, plutôt attendue stable ou en baisse à l'avenir ?
"Ce genre de décision doit se prendre en évaluant l'évolution de la consommation. Six EPR, comment ça s'inscrit dans l'équilibre offre-demande à long terme, et comment on intègre ce projet dans le marché européen de l'électricité ?", s'interroge un économiste préférant rester anonyme, pointant aussi le "manque de transparence" des industriels sur le coût de construction d'un EPR.
Matthieu Courtecuisse juge lui la construction de nouveaux réacteurs "indispensable", même dans le cas d'une consommation stable, estimant toutefois que "c'est plutôt 3 à 4 EPR qu'il faudra construire à horizon 2030".
"Il faudrait avoir une croissance du renouvelable beaucoup plus rapide" pour compenser totalement la fermeture de réacteurs, souligne Nicolas Goldberg. "Si on lance de nouveaux réacteurs en 2025, la mise en service c'est 2035, et en 2035 on aura déjà un certain nombre de réacteurs fermés", ajoute-t-il.
Un point de vue contesté par les acteurs des énergies renouvelables et les associations environnementales, qui affirment que le maintien du nucléaire bloque le développement des énergies alternatives.
"On nous dit qu'il faudrait faire des réacteurs nucléaires simplement pour garder de la technologie ou un savoir-faire, mais clairement, il n'y a pas d'argument énergétique", s'indigne Yannick Rousselet de Greenpeace France.
"Si on ne fait pas de place sur le réseau pour du renouvelable, il ne se fera jamais", ajoute-t-il.
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